Ce matin au marché couvert de Mamoudzou, le chef-lieu de Mayotte, les tomates ont disparu des étals. Les agents de la direction du Travail qui circulent dans les allées sont à la recherche de ces fruits potentiellement contaminés par un insecticide interdit en France.
Depuis le 15 janvier, la préfecture a mis sous "surveillance renforcée" la vente de tomates produites localement, après que de récents prélèvements ont montré des "taux de contamination très importants" au dimethoate, un insecticide, de ces fruits.
Le dimethoate serait particulièrement épandu sur les tomates car il rehausserait la couleur rouge, selon la préfecture.
"Puissant toxique du système nerveux" selon l'Agence régionale de santé océan Indien (ARS OI), le dimethoate est interdit depuis 2016 en France mais il est autorisé dans certains pays voisins de Mayotte, notamment les Comores et Madagascar, d'où il pourrait être importé illégalement, estime la préfecture du 101ème département français.
Elle a pris un arrêté, d'une durée de 150 jours, pour intensifier les contrôles : plus de 200 kilos de tomates dont la provenance n'a pu être identifiée ont été saisis et détruits.
Au marché, les agents ont failli repartir bredouilles mais ont fini par dénicher quelques dizaines de kilos de ces fruits, bien dissimulés derrière des cartons. "A qui est ce stand ?" Le propriétaire de l'étal reste introuvable.
"Il ne s'agit pas d'interdire la vente mais de pouvoir savoir d'où viennent ces tomates", argue David Touzel de la Direction du Travail, qui déplore qu'aucun vendeur n'ait pu lui montrer des documents attestant de l'origine de ses fruits, sur l'ensemble des contrôles qu'il a effectués la semaine passée.
Si la préfecture "n'a pas connaissance" du volume de tomates contaminées sur l'île, toutes celles qui ont été analysées, hormis celles du marché couvert de Mamoudzou, des coopératives agricoles et des supermarchés, contenaient du dimethoate, a-t-elle déploré. "C'est une réalité", a-t-elle ajouté.
Dans l'île, les ventes de fruits et légumes se font le plus souvent sur le bord des routes, une question d'habitude pour la population, mais aussi de budget, les produits étant souvent moins chers que dans les commerces officiels.
- Provenance inconnue -
Les vendeurs, généralement des femmes assises au sol et abritées du soleil par des parasols colorés, proposent toute la journée des fruits et légumes présentés sur des palettes de bois.
Mais sans aucune garantie sur la provenance des produits. Toutes les vendeuses ne possèdent pas la patente nécessaire, délivrée en mairie, et "la personne qui a la patente n'est pas forcément celle qui exerce", indique à l'AFP Etienne Guillet, le directeur de cabinet du préfet.
De même, il n'est pas certain "que les produits vendus sont bien ceux qui doivent être vendus", précise Etienne Guillet. Et beaucoup de ces vendeurs à la sauvette "sont en situation irrégulière" sur le territoire, ajoute David Touzel, ce qui "complique la donne". Mayotte connaît une forte pression migratoire issue des Comores.
Ce n'est pas la première fois que les autorités alertent sur cette pollution. En 2017, les premiers contrôles réalisés sur des tomates produites localement faisaient état de taux de contamination 27 fois supérieurs à la dose maximale autorisée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), selon la préfecture.
Les derniers prélèvements, en 2019, montrent une baisse de ce taux de contamination, qui reste toutefois 17 fois supérieur à la dose maximale autorisée.
Si les analyses ne sont pas "limitées aux tomates", indique la préfecture, elles les ciblent particulièrement. Certains autres fruits et légumes ayant fait l'objet de prélèvements contenaient également du dimethoate, "mais pas au taux d'alerte". "Ce n'est pas normal qu'on en trouve (dans les autres fruits et légumes, ndlr), c'est clair, mais ce n'est pas pour autant qu'il y a un risque", explicite Etienne Guillet.
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