En accueillant les experts mondiaux de la biodiversité sous l'égide de l'ONU, la France se pose en "championne" de la protection de la nature, après celle du climat. Son action est pourtant loin d'être exemplaire, critiquent des ONG.
L'IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), voulu comme un "Giec de la biodiversité", se réunit à partir de lundi à Paris pour entériner un vaste rapport sur l'état mondial de la nature.
"La France a tenu à accueillir cet événement car elle est engagée depuis longtemps dans le champ de la biodiversité", assure le ministère de la Transition écologique. Emmanuel Macron, selon cette source, "souhaite que les enjeux de la biodiversité soient traités à égale importance avec les enjeux climatiques".
Le président français, après son "Make our planet great again" en faveur du climat, a promis, avec le numéro un chinois Xi Jinping, "un sursaut mondial face à l'érosion de la biodiversité".
La France, avec ses littoraux, les Alpes, et surtout la forte diversité en outremer (récifs coralliens, forêt amazonienne...), concentre 10% des espèces répertoriées dans le monde. Un quart d'entre elles sont menacées.
La réunion de l'IPBES est le premier de plusieurs événements où la France compte peser. Elle a mis la protection du climat et de la biodiversité à l'agenda du G7 dont elle assure la présidence et accueillera en 2020 le congrès de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), connue pour sa liste rouge des espèces menacées.
Cette séquence aboutira à une réunion cruciale en octobre 2020, en Chine, des Etats membres de la Convention de l'ONU sur la diversité biologique (COP15), qui doit fixer un agenda pour protéger la biodiversité sur la prochaine décennie.
La réunion de l'IPBES doit être "l'acte de naissance d'une mobilisation internationale sans précédent pour la biodiversité", plaident dimanche quatre ministres français dans une tribune parue dans le quotidien Le Parisien.
"La France fait partie des pays fer de lance sur la scène diplomatique", confirme Yann Laurans, directeur du programme biodiversité de l'Institut du développement durable et des relations internationale (IDDRI).
- "Reculade sur reculade" -
Est-elle pourtant une bonne élève au plan national ? Pour une dizaine d'associations environnementales (Ligue de protection des oiseaux, France Nature Environnement, Surfrider...), la réponse est non.
"Comment notre pays, qui affirme sa volonté d’être (...) un acteur majeur de la mobilisation en faveur de la biodiversité (...) peut-il être crédible en tenant aussi peu compte de ces enjeux dans sa politique intérieure?", ont-elles réagi après l'intervention d'Emmanuel Macron cette semaine en conclusion du grand débat national organisé ces derniers mois en France, dont l'environnement a été le parent pauvre.
"Nous avons des compétences naturalistes admirables en France, on sait comment changer les choses, mais la volonté politique n'est pas au rendez-vous", assène Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO.
Le pays dispose d'une stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020, qui était "un peu endormie" selon le directeur de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) Christophe Aubel. Elle a été relancée à l'été 2018 par un plan biodiversité. Son contenu est "ambitieux, mais au prix d'une certaine imprécision", juge Yann Laurans.
La France s'est aussi dotée d'une stratégie de lutte contre la déforestation importée, mais les ONG déplorent l'absence d'objectifs chiffrés et d'échéances précises.
Sur la protection d'espèces protégées, le pays n'est pas toujours à la hauteur, relève la Commission européenne. "L'état de conservation de certaines espèces protégées d'oiseaux a été compromis par la chasse", dit-elle.
Dans d'autres domaines, la France manque carrément d'ambition, critiquent des ONG, comme par exemple l'agriculture intensive, une des causes principales de la perte de biodiversité.
"On a reculade sur reculade" sur la réduction des pesticides ou l'interdiction du glyphosate, dénonce Isabelle Autissier, présidente du WWF France.
Et certains projets soutenus par l'Etat font grincer les dents, comme le contournement autoroutier de Strasbourg qui menace l'habitat du grand hamster d'Alsace, espèce protégée.
"Dès lors qu'il y a des intérêts catégoriels ou économiques, on manque d'ambition", considère Yann Laurans.
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