Des vacances qui ne passent pas: la révélation par Mediapart du séjour à Ibiza de Jean-Michel Blanquer juste avant la rentrée de janvier, alors que se décidait le protocole sanitaire dans les écoles, fragilise le ministre de l'Education, déjà mis à mal par une grève très suivie.
L'annonce de ce nouveau protocole, la veille de la rentrée dans le quotidien Le Parisien, avait suscité l'exaspération des enseignants, en pleine inquiétude suscitée par la vague Omicron.
La désorganisation engendrée ensuite dans les écoles, avec des élèves devant multiplier les tests et des directeurs croulant sous les tâches administratives, puis l'allègement de ce protocole à plusieurs reprises, avaient entraîné un sentiment de ras-le-bol chez les personnels de l'éducation. Une grève d'ampleur avait suivi le 13 janvier.
Mediapart a révélé lundi soir que le ministre se trouvait à Ibiza lorsqu'il a annoncé ce protocole controversé, une information confirmée par le ministère. Ces vacances ont eu lieu quelques jours avant le mariage du ministre samedi en fin de journée à Paris en petit comité, a appris l'AFP de sources politiques.
M. Blanquer a "regretté la symbolique" de ce lieu de vacances mardi. "Il se trouve que le lieu que j'ai choisi, j'aurais dû en choisir sans doute un autre. La symbolique, je la regrette", a-t-il dit lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.
Il a cependant affirmé qu'il n'aurait pas pris de "décisions différentes" s'il avait "été ailleurs" et qu'il ne fallait pas "se perdre dans l'accessoire".
Selon une source au sein de l'exécutif confirmant une information de Politico, Nicolas Revel, le directeur de cabinet du Premier ministre Jean Castex, avait déconseillé à M. Blanquer de se rendre aux Baléares au vu du contexte.
Pour les syndicats enseignants, ces vacances sont "un symbole terrible". "Ca creuse encore plus le fossé qui existait déjà entre le ministre et ses personnels", a réagi auprès de l'AFP Guislaine David, secrétaire générale du SNUipp-FSU, premier syndicat du primaire.
"Pendant que lui était à Ibiza, les directeurs et directrices d'écoles recevaient des mails de parents dont l'enfant avait le Covid et qui ne savaient pas comment ils allaient faire le lendemain. Et des mails de collègues qui étaient positifs au Covid", a-t-elle ajouté à l'AFP. "On n'avait pas de protocole qui avait été anticipé".
C'est "le symbole d'une grande désinvolture et d'une grande légèreté", renchérit Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat du second degré (collèges, lycées).
Pour Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-Unsa, "cette révélation est l'illustration de la distance et du décalage du ministre avec la réalité sanitaire".
- "Dilettantisme" -
Les révélations de Mediapart interviennent avant une nouvelle journée de mobilisation et de grève dans les établissements scolaires jeudi, à l'appel de plusieurs syndicats, pour demander "des réponses fortes" face au "chaos" engendré par la crise du Covid.
"Il y a vraiment une perte de légitimité et de crédibilité de ce ministre", qui "n'est plus digne de sa fonction", estime Guislaine David. "Il va falloir calmer la colère des enseignants".
Du côté de la classe politique, la gauche réclame à nouveau sa démission.
"Trop c'est trop. Jean-Michel Blanquer doit démissionner", a réagi la présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale, Mathilde Panot, dans un tweet.
Le candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot a évoqué un "niveau de mépris et d'irresponsabilité (qui) n'est pas acceptable".
A droite, Othman Nasrou, vice-président de la région Île-de-France et porte-parole de la candidate LR à la présidentielle Valérie Pécresse, qui avait demandé un report de la rentrée de janvier, a appelé le ministre à "s'expliquer sur les circonstances et les raisons de ce fiasco".
Face à ces réactions, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, s'est contenté d'assurer que le ministre se trouvait "à sa tâche". "Il y a une règle qui est fixée pour le gouvernement s'agissant des vacances: il faut être joignable en permanence, à sa tâche. Je n'ai aucune raison de penser que ce n'était pas le cas de M. Blanquer", a-t-il souligné.
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