C'est une enquête méticuleuse, qui peut potentiellement porter sur des dizaines de personnes: pour chaque patient infecté par le nouveau coronavirus, il faut retrouver les personnes avec lesquelles il est entré en contact et s'assurer qu'elles n'en contamineront pas d'autres à leur tour.
"L'objectif, c'est de contenir l'épidémie en cassant les chaînes de transmission", explique à l'AFP Bruno Coignard, de l'agence sanitaire Santé publique France, chargée de piloter ces enquêtes dans l'Hexagone.
Elles répondent à "des protocoles standardisés" et les pays échangent régulièrement à leur sujet, sous l'égide de l'OMS. Au niveau international, le processus a été rôdé à l'occasion d'autres épidémies, Sras en 2002-2003, Mers en 2012-2013 ou Ebola en 2014.
"Une fois qu'un cas est confirmé, les autorités s'emploient à identifier (...) les gens avec lesquels il a été en contact rapproché, pour s'assurer qu'elles ne risquent pas de propager l'infection", indique le Dr Bharat Pankhania, de l'université d'Exeter (Angleterre).
C'est ce qu'on appelle le "contact tracing".
Tout commence par un interrogatoire du patient, pour identifier les personnes avec lesquelles il a été en contact depuis l'apparition de ses symptômes (on part du principe qu'auparavant, il n'était pas contagieux, même si c'est l'une des inconnues qui subsistent à ce stade).
Une fois ces personnes identifiées, elles sont contactées par des épidémiologistes, qui les classent selon trois niveaux de risque: nul/négligeable, faible, modéré/élevé.
Le plus haut correspond à "des contacts étroits, en face-à-face, à moins d'un mètre, sur une durée suffisamment prolongée, 10/15 minutes", selon le Dr Coignard. C'est par exemple la situation d'un couple.
A l'inverse, le plus bas niveau concerne les soignants qui étaient bien protégés par leur équipement, ou des personnes "qui ont des contacts très occasionnels et furtifs" avec le malade. "Si vous le croisez dans la rue, il n'y a pas de raison d'avoir une transmission", souligne le Dr Coignard.
Plus difficile à jauger, l'appartenance au niveau intermédiaire, dit faible, est laissée à l'appréciation de l'épidémiologiste.
- Confinement -
Des instructions sont ensuite données aux personnes selon leur niveau de risque.
Pour le plus élevé, on leur demande de rester chez elles, de prendre leur température deux fois par jour et de se signaler aux autorités de santé si elles présentent des symptômes. Les autorités sanitaires leur téléphonent tous les jours pour assurer un suivi actif.
En France, un dispositif d'indemnisation est prévu pour compenser l'obligation de rester confiné à domicile.
Les personnes au niveau de risque intermédiaire doivent aussi prendre leur température deux fois par jour et se signaler en cas de symptômes ou de fièvre, mais peuvent sortir.
Pour ces deux niveaux de risque, le suivi dure 14 jours, durée maximale estimée de la période d'incubation (intervalle entre le moment où l'on contracte le virus et celui où l'on développe des symptômes).
Enfin, les personnes dont le niveau de risque est jugé nul/négligeable n'ont rien de particulier à faire.
Famille, amis, voisins dans un avion, personnel soignant... Ces enquêtes peuvent potentiellement porter sur "plusieurs dizaines" de personnes et mobiliser de nombreux professionnels, même si c'est variable, dit le Dr Coignard.
Tout dépend de la rapidité de détection d'un cas positif et du nombre de personnes avec lesquelles il a été en contact.
Selon Bruno Coignard, "le cas le plus compliqué" jusque-là en France est celui d'un médecin contaminé par une patiente chinoise, qui est ensuite repartie en Asie (à Taïwan selon la ministre de la Santé Agnès Buzyn), où elle a été diagnostiquée.
C'est le "contact tracing" mis en place autour de cette personne hors de France qui a permis de repérer le médecin comme un de ses contacts, avant que le diagnostic positif soit confirmé pour lui aussi.
Bien rôdé dans les pays développés, ce dispositif pourrait être mis à rude épreuve si l'épidémie s'accélérait dans des endroits où les systèmes de santé sont fragiles. Une perspective qui inquiète l'OMS.
"Si l'épidémie se répandait au niveau mondial (...) le système britannique pourrait avoir du mal à vérifier chaque cas suspicieux", commente le Pr Martin Hibberd, de la London School of Hygiene & Tropical Medicine.
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