Les autorités sanitaires sont suspendues à son verdict: en quelques jours seulement, l'Institut Pasteur à Paris est devenu la sentinelle de détection du coronavirus chinois, un nouveau venu que le personnel, déjà rodé aux autres virus respiratoires, manipule sous très haute protection.
C'est ici que les trois premiers cas en Europe, des Français revenant de Chine, ont été confirmés vendredi. Quand les courbes positives se sont dessinées sur l'écran d'ordinateur "il y avait une grande excitation car ça validait toute la chaîne, depuis l'infirmière de l'hôpital qui a fait le prélèvement sur le patient jusqu'à la fiabilité de notre +test-diagnostic+", confie Vincent Enouf, directeur adjoint du Centre national de référence (CNR) des virus des infections respiratoires de Pasteur.
Le soulagement était d'autant plus fort que ce premier test avait été mis au point en un temps record. "Quelques jours après les premiers cas, les Chinois ont eu la très bonne idée de faire un séquençage de génome complet" du nouveau virus, raconte-t-il.
Ce séquençage "nouvelle génération" a été rapidement diffusé au sein de la communauté scientifique et publié sur une base de données spécialisée. A partir de cette séquence, les équipes de l'Institut Pasteur ont pu élaborer un test fiable.
Chaque jour, l'Institut réceptionne une dizaine de prélèvements en provenance d'hôpitaux français, à température ambiante. Il s'agit de prélèvements "nasaux-pharyngés" (mucus nasal ou de gorge) - comme pour la grippe - effectués sur des patients "suspects".
Les échantillons ne doivent surtout pas être altérés pour éviter de fausser les résultats - un faux négatif par exemple ferait sortir un patient de l'hôpital alors qu'il est contagieux. Un protocole spécifique ultra-sécurisé a donc été mis en place.
Le virus est inoculé sur des cellules inertes. Si le prélèvement s'avère positif, il est communiqué au clinicien et à son patient, puis descendu dans un laboratoire de niveau "P3", le plus haut niveau de sécurité de Pasteur - le degré le plus élevé (4) est utilisé pour Ebola mais dans d'autres instituts.
- Combinaison intégrale -
C'est là, sous combinaison intégrale, masque FFP3 (le plus filtrant possible) et lunettes, dans une pièce d'où aucune particule ne sort, que le coronavirus est cultivé, dans l'espoir de l'isoler et de l'expertiser.
"Comme le virus est vivant et qu'on ne le connaît pas, on protège le personnel de la façon la plus drastique", détaille Vincent Enouf, précisant que ces conditions étaient les mêmes pour le Sras et le sont toujours - très rarement - pour le Mers.
Mélanie Albert, technicienne supérieure de laboratoire, se dit totalement sereine: la jeune femme est habituée aux virus respiratoires, comme la grippe - contre laquelle elle est vaccinée. Tous les gestes, elle les connaît. "Elle a la main verte", ironise son supérieur.
"C'est très important de faire appel à des laboratoires qui ont l'habitude de travailler dans des conditions d'urgence : on prend des précautions supplémentaires mais le personnel est complètement prêt, il a conscience de ce qu'il fait", se félicite Vincent Enouf.
Et ces jours-ci, sa petite équipe de sept personnes est "hyper motivée, car à partir du moment où l'inconnu est présent, ça nous donne envie de savoir", assure-t-il. "Les journées sont beaucoup plus longues... parce que c'est passionnant", acquiesce, enthousiaste, Mélanie Albert.
Les "suspicions", comme ils les appellent, vont probablement continuer d'arriver dans les jours qui viennent. Et l'Institut Pasteur va diffuser son test aux autres hôpitaux en France pour pouvoir multiplier les sentinelles et détecter plus de cas - si l'épidémie se diffuse davantage en France, il faudra néanmoins sélectionner les prélèvements.
L'enjeu pour l'institut de recherche est maintenant de réussir à isoler le virus français, notamment dans un espoir thérapeutique: élaborer un vaccin ou des traitements contre ce virus contre lequel il n'existe à l'heure actuel aucun traitement. Ils espèrent pouvoir le faire dans la semaine.
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