Environ 6% des Français auront été infectés par le coronavirus le 11 mai, un niveau très insuffisant pour éviter une deuxième vague épidémique si toutes les mesures étaient intégralement levées après cette date, selon des estimations publiées mardi par l'Institut Pasteur.
"Pour que l'immunité collective soit suffisante pour éviter une deuxième vague, il faudrait 70% de personnes immunisées. On est très en-dessous", explique à l'AFP l'auteur principal de l'étude, Simon Cauchemez.
Par conséquent, "au sortir du confinement, si on veut éviter une deuxième vague importante, des mesures doivent être maintenues", ajoute-t-il.
La perspective d'un rebond de l'épidémie obligera à un déconfinement très progressif à partir du 11 mai, a d'ailleurs prévenu dimanche le Premier ministre Edouard Philippe, selon qui les Français ne retrouveront "pas tout de suite et probablement pas avant longtemps" leur "vie d'avant".
La faible part de population infectée est due au confinement lui-même, relève l'étude, selon laquelle "le nombre moyen de personnes infectées par un cas est passé de 3,3" avant le confinement "à 0,5 pendant".
Le but du confinement, mesure prise par de nombreux autres pays, était d'empêcher un afflux massif de patients au même moment, qui aurait dépassé les capacités du système hospitalier.
Réalisée par l'Institut Pasteur en collaboration avec l'agence sanitaire Santé publique France et le CNRS, l'étude se base sur des modélisations mathématiques et statistiques.
Ces outils permettent de croiser les données sur les décès et sur la probabilité de mourir quand on est infecté, afin de parvenir à une estimation de la part de population infectée à la date du 11 mai (5,7%, soit 3,7 millions de personnes).
"L'intervalle d'incertitude est important, entre 3 et 10%", note Simon Cauchemez.
Mais "que ce soit 6%, 10% ou même 20%, ça ne change pas vraiment la nature du problème, qui est que dans tous les cas, on sera très loin des 70% dont on aurait besoin pour pouvoir faire une sortie du confinement sans problème", souligne-t-il.
La proportion de la population infectée est logiquement plus importante dans les régions davantage touchées par l'épidémie, l'Île-de-France (12,3%) et le Grand Est (11,8%), selon ces travaux de modélisation.
Par ailleurs, l'étude estime que 0,5% des personnes infectées meurent.
"La létalité varie avec l'âge et le sexe", commente M. Cauchemez.
"Les hommes sont bien plus à risque de décéder lorsqu'ils sont infectés que les femmes (ils ont un risque 50% supérieur aux femmes) et ce différentiel augmente avec l'âge", poursuit-il.
Ainsi, le taux de décès est de 13% chez les hommes de plus de 80 ans.
Enfin, ces travaux montrent que le risque d'hospitalisation est de 2,6% pour les personnes ayant été infectées. Il augmente fortement avec l'âge pour atteindre 31% chez les hommes de plus de 80 ans.
"Le confinement (...) a permis d'écrêter le pic épidémique", mais l'épidémie "reste à un niveau qui est élevé", a déclaré mardi matin sur France 2 le ministre de la Santé, Olivier Véran.
"Ce n'est pas un pic, mais un plateau dont la durée est variable", a-t-il poursuivi.
"Depuis le début, nous disons qu'il y aura une phase de plateau et ensuite une phase de décroissance et il faut que le nombre de malades soit le plus bas possible au moment du déconfinement pour être capable de dépister chaque personne, de l'isoler, de la tester (...) dans de bonnes conditions", a conclu le ministre.
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