Episodes inachevés et plateaux de tournage désertés: à cause de la pandémie de nouveau coronavirus, les producteurs du Moyen-Orient ont du mal à mettre en boîte leurs célèbres séries télévisées du ramadan, le mois de jeûne musulman débutant fin avril.
Parce que les pays de la région ont pris des mesures parfois drastiques pour freiner la propagation de la maladie de Covid-19, de nombreux studios ont dû interrompre leur tournage.
Mais avec un public confiné à la maison, la demande en divertissement risque d'aller croissante à l'approche du ramadan, qui doit commencer cette année la dernière semaine d'avril.
Ce mois de jeûne religieux est l'occasion pour de nombreuses productions d'inonder les écrans de télévisions, mais aussi internet, avec des séries télévisées.
Celles-ci, surnommées les "mosalsalat", les séries du ramadan, sont souvent diffusées entre l'iftar, le repas de rupture du jeûne au coucher du soleil, et le sohour, la collation d'avant l'aube.
"Le compte à rebours a commencé et nous avons besoin d'autant de contenu que possible pour le ramadan. Si nous ne pouvons pas avoir nos séries, nous allons devoir penser à acheter à l'étranger, même au détriment de la qualité", confie à l'AFP, sous le couvert de l'anonymat, le responsable des acquisitions d'une chaîne de télévision basée à Dubaï.
"Quatre séries du ramadan tournées au Liban et en Syrie n'ont pas été achevées. Tout est suspendu à présent", se désole-t-il.
Drames sentimentaux, comédies familiales, sagas historiques ou thrillers haletants font le menu quotidien des chaînes, engagées dans une bataille acharnée pour l'audimat, sans compter la nouvelle concurrence des services de vidéos à la demande tels que le géant américain Netflix et les plateformes du Golfe, comme Starz Play ou WAVO.
Car les audiences et les prix de la publicité à la télévision montent en flèche pendant le ramadan, un des cinq piliers de l'islam.
Mais cette année, le nouveau coronavirus frappe durement le secteur des arts et du divertissement: les festivals sont reportés et les cinémas fermés dans de nombreux pays.
Au total, plus de trois milliards de personnes sont confinées et la pandémie a fait 40.000 morts à travers le monde, selon un bilan établi par l'AFP à partir de sources officielles mercredi à 11H00 GMT.
- Stars et désinfectant -
Propriétaire de la maison de production Eagles Films, le Libanais Jamal Sinan mène une course contre la montre pour faire redémarrer le tournage de trois séries.
"Nous nous sommes engagés à respecter les restrictions, comme utiliser moins de cameramen", explique à l'AFP le producteur. Mais il ne sait toujours "pas quand" le tournage pourra reprendre, faute de réponse des autorités.
Dans l'une de ses séries, la star libanaise Cyrine Abdel Nour campe le rôle d'une couturière folle amoureuse du propriétaire d'une maison de couture.
Avant que ne s'interrompe le tournage, cette icône glamour est apparue avec masque sanitaire et gants, avant d'être aspergée de la tête aux pieds de désinfectant.
"Ne vous moquez pas de moi", a-t-elle commenté.
Si des tournages ont été interrompus au Liban et au Koweït, les caméras continuent de tourner dans d'autres pays comme aux Emirats arabes unis, mais sous des règles strictes, comme la limitation de personnel non essentiel sur les plateaux.
Grand groupe médiatique panarabe basé à Dubaï, MBC "stérilise constamment les studios et les lieux de tournage" et mis en place des "unités d'urgence" médicales, affirme à l'AFP son porte-parole Mazen Hayek.
- "Pression" -
En Egypte, l'un des principaux pourvoyeurs de séries télévisées, aucun ordre officiel de fermeture des studios n'a été émis. Mais "80% des tournages ont quand même cessé", estime Achraf Zaki, chef du syndicat des acteurs.
"Les chaînes de télévision et les sociétés de production mettent la pression pour boucler les tournages avant le ramadan. Il y a un conflit entre les artistes et les investisseurs", assure toutefois à l'AFP l'acteur égyptien Ali Sobhy, qui a choisi de s'isoler chez lui.
Plusieurs acteurs ont appelé les autorités à faire suspendre les tournages. "Rien ne justifie de jouer avec la santé des gens. Il relève de notre responsabilité d'arrêter la catastrophe", a fustigé sur Twitter le célèbre réalisateur égyptien Yousry Nasrallah.
La productrice syrienne Diana Jabbour assure, elle, que sa société a mis fin aux tournages avant même que les autorités ne l'exigent. "Nous ne jouerons pas avec la santé de ceux qui travaillent pour nous, du plus petit technicien au plus grand acteur", dit-elle à l'AFP.
Mais pour des inconditionnels, passer le ramadan sans séries est impensable.
"Le ramadan, c'est la prière, la bonne nourriture, les réunions de famille et la télévision", résume auprès de l'AFP Hayam Ali, 60 ans, confinée chez elle à Charjah, aux Emirats arabes unis.
"J'espère que les séries seront de bonne qualité. J'en ai vraiment besoin", confie-t-elle.
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