En un instant, la vague a tout emporté. Il y a deux mois, le village népalais de Thame, non loin de l'Everest, a été inondé par la rupture d'un lac glaciaire, un phénomène de plus en plus menaçant avec le réchauffement climatique.
Mingma Rita Sherpa n'était pas chez lui lorsqu'un torrent de boue et de débris a traversé le 16 août la localité qui a vu naître le sherpa Tenzing Norgay, premier vainqueur du plus haut sommet du monde avec le Néo-zélandais Edmund Hillary en 1953.
Quand il est revenu du barrage hydroélectrique où il travaille, la moitié des maisons de Thame était détruite. Une école, construite en 1962 par Tenzing Norgay, une clinique et un gîte aussi.
"Il n'y a plus de trace de notre maison. Plus rien", décrit Mingma Rita Sherpa à l'AFP. "Tout ce que nous avions a disparu. Ma sœur aussi a tout perdu".
Par chance, l'inondation n'a fait aucune victime dans ce village du bout de la vallée de Khumbu où font étape les randonneurs qui se pressent sur la fameuse route des "treks" autour de l'Everest.
La vague est partie d'un lac glaciaire situé en amont, à quelque 3.800 m d'altitude. Leur eau peut se déverser brutalement en aval lorsqu'elle franchit la barrière naturelle de glace qui la retient, causant des inondations catastrophiques.
En octobre 2023, plus de 70 personnes avaient été tuées dans le nord-est de l'Inde après l'éclatement d'un des 7.500 lacs glaciaires recensés dans le pays.
Les inondations catastrophiques -- plus de 230 morts et des dégâts considérables -- qui ont frappé Katmandou et sa région au début du mois ont rappelé la vulnérabilité du Népal aux phénomènes climatiques, dont l'intensité et la fréquence sont aggravées par le réchauffement de la planète.
Les scientifiques redoutent que la hausse mondiale des températures, qui fait fondre les glaciers de l'Himalaya à un rythme alarmant, accélère aussi les ruptures de lacs glaciaires.
Depuis l'inondation du mois d'août, de nombreux habitants de Thame se sont réfugiés dans les villages alentour ou installés dans la capitale Katmandou, comme Mingma Rita Sherpa.
- "Pas d'avenir" -
"Certains ont essayé de reconstruire leur maison mais le terrain est instable", rapporte-t-il. "Nous avons peur de rentrer chez nous, il y a encore des lacs au-dessus. La terre fertile a disparu. Il est devenu difficile de s'imaginer un avenir là-bas".
Un employé du village, Mingma Chiri Sherpa, assure que la municipalité a inspecté le terrain et les lacs de la région pour évaluer les risques.
"Notre priorité est d'abord d'aider les victimes (...) à reconstruire ou à se reloger", assure-t-il.
Des centaines de lacs glaciaires se sont formés ces dernières décennies sur les pentes de l'Himalaya.
Le Centre international pour un développement intégré de la montagne (Icimod) en a recensé 2.070 en 2020. Parmi eux, 21 sont considérés comme dangereux pour les populations.
Membre de cette organisation intergouvernementale, le géologue Sudan Bikash Maharjan fait partie de l'équipe qui, grâce aux images satellitaires, a pu attribuer l'inondation de Thame à la rupture d'un lac glaciaire.
"Il faut que nous renforcions notre système de surveillance (...) de façon à pouvoir au moins anticiper et nous préparer", plaide-t-il. "Les risques existent, il faut en informer les populations".
Véritable "village des alpinistes", Thame a accueilli de nombreux habitants prestigieux comme Kami Rita Sherpa, qui a gravi le plus haut sommet du monde pour la 30e fois cette saison.
Avec d'autres, le grimpeur a participé à des levées de fonds pour aider les habitants sinistrés.
"Mais à ce jour, cet endroit n'a plus d'avenir", regrette Kami Rita Sherpa. "Nous sommes en danger. Pas seulement ici à Thame, mais aussi dans de nombreux autres villages en aval".
En vétéran des pentes de l'Everest et des autres sommets de la région, l'alpiniste a constaté lui-même l'impact du réchauffement de la planète.
"La chaîne de l'Himalaya a changé. Nous n'avons pas seulement vu l'impact du changement climatique, nous avons vécu ses dangereuses conséquences", observe-t-il, "il faut réagir".
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