Des abeilles moins nombreuses et qui nidifient moins, des bourdons qui se reproduisent difficilement, etc. Plusieurs études ont régulièrement sonné l'alerte sur les effets néfastes des néonicotinoïdes, un type particulier d'insecticide, sur ces insectes essentiels à la pollinisation. Leur utilisation fait actuellement l'objet d'un vif débat en France alors qu'elle est toujours autorisée en Wallonie… Mais peut-être plus pour longtemps.
Il y a un an, deux études publiées par le prestigieux magazine Nature prouvaient les effets néfastes des néonicotinoïdes sur les abeilles. Leur dangerosité pour ces insectes pollinisateurs est avancée par de nombreux scientifiques. Une dangerosité pour les abeilles et par ricochet pour l'ensemble de nos paysages, naturels ou agricoles. En effet, en Wallonie, l’abeille domestique ainsi que les 350 espèces sauvages d’abeilles et de bourdons permettent la fécondation et la reproduction de plus de 80% des espèces végétales: 1/3 de l’alimentation humaine et 3/4 de nos cultures agricoles dépendent de la pollinisation des insectes.
Néo quoi?
Comme nous l'explique l'article de Stéphane Foucart dans le journal Le Monde, la majorité des pesticides sont destinés à la protection des cultures. Il existe trois sortes de pesticides: pour lutter contre les insectes nuisibles (les insecticides), contre les champignons et moisissures (les fongicides), et contre ce qu'on appelle les mauvaises herbes (les herbicides, comme le célèbre et controversé glyphosate, composant du Roundup de Monsanto).
Parmi les insecticides, on retrouve les néonicotinoïdes, qui représentent 40% du marché mondial des insecticides. Au contraire des autres insecticides, directement pulvérisés sur les cultures, les néonicotinoïdes sont appliqués sur les semences, de façon préventive. Le toxique est dit systémique, ce qui signifie qu'il sera présent tout au long de la vie de la plante, et qu'il se répand dans les feuilles, les fleurs, les racines, les tiges, mais aussi dans le pollen et le nectar.
Tueur d'abeilles
"Les grandes cultures en fleurs sont des sources de nourriture importantes pour les abeilles sauvages, mais elles peuvent se transformer en pièges écologiques si les butineuses sont exposées à des pesticides tels que les néonicotinoïdes", expliquent les auteurs d'une étude réalisée en conditions réelles il y a un an en Suède.
Contrairement aux autres insecticides, les néonicotinoïdes agissent à des doses très faibles sur le système nerveux central des insectes, et en particulier des abeilles. Si celles-ci ne meurent pas, c'est leur sens de l'orientation, leur faculté d'apprentissage, leur capacité de reproduction… qui sont modifiés à cause des néonicotinoïdes. Du coup, si les abeilles ne sont plus capables de butiner ou de retrouver leur ruche, c'est toute la colonie et la population d'abeilles qui sont menacées.
Un autre effet des néonicotinoïdes sur les abeilles, encore plus pervers, c'est qu'au lieu d'être repoussées par les plantes contaminées, elles en sont attirées!
Des chercheurs de Newcastle, en Angleterre, ont utilisé des centaines de bourdons et des milliers d'abeilles à miel pour leur test. Ils leur ont proposé deux types de solutions: une solution de sucrose et une de sucrose associé à un néonicotinoïde. "Nous avons une preuve que les abeilles préfèrent manger la nourriture contaminée par des pesticides", souligne Geraldine Wright, de l'université de Newcastle. "Il se peut que les néonicotinoïdes agissent comme une drogue, rendant la nourriture plus gratifiante", ajoute la scientifique.
Bientôt interdits en Wallonie?
L'Union européenne restreint depuis quelques années l'usage de trois néonicotinoïdes. Les semences enrobées de ces produits sont interdites au printemps et en été. Chez nos voisins français, leur interdiction fait débat au sénat en ce moment dans le cadre d'un projet de loi sur la diversité.
En Belgique, c'est le gouvernement fédéral qui est compétent pour autoriser ou refuser une substance utilisée dans un pesticide. Un décret de 2013 encadre cependant l'utilisation des pesticides en Wallonie dans le domaine public. "Mais le ministre Carlo Di Antonio veut aller plus loin. Sa volonté est d'atteindre l'interdiction des néonicotinoïdes", explique Marie Minet, porte-parole du ministre wallon de l'Environnement.
Pour se donner les capacités de réglementer l'utilisation des pesticides, le décret de 2013 est en train d'être revu par le gouvernement wallon. "Le projet de révision du décret vient d'ailleurs d'être accepté en deuxième lecture par le gouvernement régional", précise Marie Minet. Le texte devrait donc être déposé dans les mois à venir au parlement wallon. D'ici la fin 2016, Carlo Di Antonio devrait ainsi avoir les cartes en main pour interdire les néonicotinoïdes. Arriverons-nous à ce résultat? Rendez-vous d'ici quelques mois pour savoir si le ministre passe bien à l'acte.
Les abeilles: une importance considérable l'agriculture mondiale
En Europe, les populations d'abeilles et de papillons sont en chute libre (respectivement moins 37% et moins 31%) et 9% de ces animaux sont menacés d'extinction (chiffres de l'IPBES).
Au niveau mondial, 5 à 8% de la production agricole, soit entre 235 et 577 milliards de dollars, sont directement dépendants de l'action des pollinisateurs (chiffres de l'IPBES).
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