Comme les enseignants, les aides-soignantes et infirmières ont beaucoup à perdre de la réforme des retraites, qui mettra fin aux départs anticipés à 57 ans à l'hôpital public, sans compensation dans la plupart des cas, malgré l'"attention particulière" que le gouvernement dit leur porter.
La mobilisation des hospitaliers organisée mardi après neuf mois de crise n'a initialement rien à voir avec la réforme des retraites.
Mais ce sujet préoccupe nombre de soignants, conscients qu'ils vont "devoir travailler plus longtemps" au moment où ils dénoncent la "dégradation de leurs conditions d'exercice" et réclament des hausses de salaires, selon la secrétaire générale de la CGT Santé, Mireille Stivala.
Avec le futur "système universel" de retraites par points, censé remplacer les 42 régimes existants, tout le monde sera logé à la même enseigne, ou presque.
Les fonctionnaires verront ainsi leurs pensions calculées sur toute leur carrière et plus sur les six derniers mois, tandis que leurs "dispositifs" de départs anticipés avant 62 ans "seront progressivement supprimés", à part pour les métiers régaliens dangereux, comme policier.
Les aides-soignantes nées après 1980 et certaines infirmières perdront ainsi leur droit de partir à 57 ans.
"Non seulement, c'est totalement injuste mais ca n'a aucun sens", insiste Mme. Stivala, aide-soignante de formation, selon qui "40%" de ses consoeurs "ne vont pas au bout de leur carrière en raison de problèmes de santé" liées à la "pénibilité" de leur travail.
Le Premier ministre Edouard Philippe assure que deux tiers des aides-soignantes ne seront pas concernées par le futur système, sans préciser si cela s'applique aussi à la décote prévue en cas de départ avant l'âge d'équilibre, qui doit progressivement atteindre 64 ans de 2022 à 2027.
Dans tous les cas, "on ne va pas pouvoir continuer dans ces conditions jusqu'à 62 (âge légal) ou 64 ans", estime la présidente de la Coordination nationale infirmière, Céline Laville, ancienne aide-soignante de 40 ans dont le "dos revit" depuis qu'elle est devenue infirmière.
Même constat pour Corinne, 53 ans, aide-soignante (SUD) de nuit aux urgences à Paris, qui "ne se voit pas brancarder à 64 ans".
- "Un recul" -
"Certes on n'exerce pas de missions régaliennes mais on abandonne beaucoup trop nos familles" ajoute Mme Laville en référence aux "rappels incessants sur les temps de repos" du fait du manque d'effectifs.
La ministre de la Santé Agnès Buzyn l'assure, le gouvernement porte une "attention particulière" à la profession "horriblement difficile" d'aide-soignante.
En étendant aux fonctionnaires le "compte pénibilité", réservé aux salariés du privé, et en prenant mieux en compte le travail de nuit, 20 à 30% des infirmières et aides-soignantes pourront partir avant 62 ans, et, au mieux, à 60 ans, assure l'exécutif. Mais plus à 57 ans.
"C'est un recul", tranche Thierry Amouroux, du syndicat d'infirmiers SNPI, d'autant que beaucoup seront "exclus de cette usine à gaz", qui ne comprend plus depuis 2017 le port de charges lourdes ou l'exposition aux agents chimiques dangereux.
Autre mesure mise en avant par Matignon, le lancement début 2020 d'une "concertation sur l'aménagement des secondes parties de carrière" à l'hôpital pour instaurer un "nouveau dispositif permettant" un temps partiel sans perte de revenus pour les aides-soignantes en fin de parcours.
"C'est joli sur le papier", commente Mme Laville, à condition de financer suffisamment "la formation continue" pour garantir des reconversions, par exemple dans l'administratif, prévient-elle, "dubitative".
La situation diffère pour les infirmières: une réforme de 2011 a contraint les professionnelles alors en activité à choisir entre un maintien de leur droit à partir à 57 ans (catégorie B) et une revalorisation salariale (catégorie A) contre des départs à 62 ans, devenus la norme pour les embauches intervenues depuis.
Si les infirmières de catégorie A travaillant de nuit pourront éventuellement prétendre à des départs à 60 ans, celles de catégorie B, en revanche, "vont manger sec", même s'il s'agit d'un corps en voie d'extinction, selon M. Laville. Les plus jeunes seront a priori touchées par l'allongement de la durée de travail alors même qu'elles ont renoncé à des augmentations. Pour elles, "le contrat est rompu", s'indigne Mireille Stivala.
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