Nouvelle prouesse à l'actif de Perseverance: le rover de la Nasa a transformé du dioxyde de carbone issu de l'atmosphère de Mars en oxygène, une première sur une autre planète, a annoncé mercredi l'agence spatiale américaine.
"C'est une première tentative cruciale de conversion du dioxyde de carbone en oxygène sur Mars", a dit Jim Reuter, un administrateur associé de la Nasa.
La démonstration a eu lieu le 20 avril et la Nasa espère que de futures versions de l'outil expérimental utilisé pourront préparer le terrain à une exploration par des humains.
Non seulement le processus pourrait produire de l'oxygène pour que de futurs astronautes puissent respirer, mais il pourrait aussi permettre d'éviter de transporter depuis la Terre de larges quantités d'oxygène indispensables à la propulsion de la fusée pour le voyage du retour.
"C’est un pas en avant extraordinaire en vue des prochains vols habités. On ne va pas devoir transporter l’oxygène jusqu’à Mars, c’est une marche beaucoup trop importante. Si on peut le fabriquer sur place, c’est une marche considérable. Non seulement pour la respiration des astronautes mais également pour fabriquer le carburant pour rentrer sur la Terre", explique au micro de RTLINFO Pierre-Emmanuel Paulis, président de la Mars Belgium Society, responsable pédagogique à l’Euro Space Center.
5 grammes d'oxygène produits
Le "Mars Oxygen In-Situ Resource Utilization Experiment" (Moxie) est une boîte dorée de la taille d'une batterie de voiture, située à l'avant droit du rover. Il utilise électricité et chimie pour scinder les molécules de CO2, produisant ainsi de l'oxygène d'un côté, et du monoxyde de carbone de l'autre.
Pour sa première expérience, Moxie a produit 5 grammes d'oxygène, de quoi respirer pendant 10 minutes pour un astronaute ayant une activité normale.
Les ingénieurs chargés de Moxie vont maintenant mener davantage de tests et essayer d'augmenter ce résultat. L'outil a été élaboré pour pouvoir générer jusqu'à 10 grammes d'oxygène par heure.
Une mission: chercher des traces de vie ancienne
Conçu au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), Moxie a été fabriqué avec des matériaux résistant à la chaleur afin de tolérer les températures brûlantes de 800 degrés Celsius nécessaires à son fonctionnement. Une fine couche dorée l'empêche d'irradier cette chaleur et d'endommager le rover.
Selon l'ingénieur du MIT Michael Hecht, un Moxie d'une tonne -- celui-ci pèse 17 kilos -- pourrait produire les quelque 25 tonnes d'oxygène nécessaires pour qu'une fusée décolle de Mars.
Produire de l'oxygène à partir de l'atmosphère de Mars, composée à 96% de dioxyde de carbone, pourrait se révéler plus aisé qu'extraire de la glace de sous sa surface afin de fabriquer de l'oxygène par électrolyse.
Perseverance a atterri sur la planète rouge le 18 février. Sa mission: chercher des traces de vie ancienne.
C’est une expérience qui est extrêmement énergivore
Dans le contexte de ces derniers exploits, Vinciane Debaille, géologue à l’université libre de Bruxelles, chercheuse qualifiée du FNRS, était l'invitée du RTLINFO 13H. Elle répondait aux questions de notre journaliste Olivier Schoonejans.
Vous participez à cette mission pour le moment. Vous avez vécu ce qui s'est passé d'assez près...
Tous les jours on reçoit des paquets de données qui arrivent en une fois et on les découvre un peu en temps réel. C’est quelque chose d’un peu magique parce qu’on a une réunion et puis à un moment quelqu’un dit "ah au fait on a produit de l’oxygène. Les données sont arrivées et je confirme on a produit 5 grammes d’oxygène". C’est assez rigolo parce que les données arrivent un peu au fur et à mesure des aléas de communication entre le robot, les satellites martiens et les satellites terrestres. Et donc on reçoit un peu les données au compte-goutte.
Est-ce que c’était particulièrement compliqué ce qui s’est passé ?
Non. Sur Terre, c’est même banal, c’est ce que font les plantes. C’est la photosynthèse. On prend du CO2 et on en fait de l’oxygène. Mais maintenant on est à des millions de kilomètres avec un Rover qui a sa propre production d’électricité, parce que c’est très, très consommateur en électricité. Et donc c’est clairement une première. Alors c’est une toute petite quantité évidemment mais c’est vraiment une première d’avoir mis ça à bord d’un robot et d’envoyer ça sur mars.
On se dit en voyant ces images-là : ça y est, on peut respirer sur mars. Quand est-ce qu’on y va ?
Alors évidemment, c’est un peu plus compliqué parce que quand on regarde, l’expérience a fonctionné une heure. Et donc on a de quoi tenir une petite dizaine de minutes. On voit qu’il va falloir qu’elle tienne un peu plus qu’une heure. Et donc des moyens électriques aussi. Parce que là vraiment, c’est une expérience qui est extrêmement énergivore. Donc en fait hier, on a fait quasiment que ça parce que ça prend tellement de batterie que l’on ne peut pas faire autre chose. Donc il y a encore de la marge. Mais c’est quand même une très bonne nouvelle.
C’est pour quand alors honnêtement qu’on peut imaginer aller sur mars ?
Je dirais dans les 30, 50 ans. Ça reste faisable, mais aujourd’hui le principal problème de la conquête humaine de mars, c’est le voyage tout simplement. C’est d’envoyer des hommes et qu’ils survivent à 8 mois dans l’espace, loin du champ magnétique terrestre. Et ça aujourd’hui, c’est un challenge industriel.
Qu’attend-on encore comme expérience de la part de ce robot ?
Alors ce soir, on aura les nouvelles du deuxième vol du petit hélicoptère, qui est un peu plus compliqué que ce qu’on lui a fait faire la première fois. Donc, il ira à 5 mètres, il bougera. Ce qu’on attend d’un drone finalement. Et dans les prochains mois, il y aura ce pourquoi Perserverance est fait, c’est forer des roches. Et on en train de préparer la suite également avec le retour d’échantillons sur Terre d’ici dix ans.
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