Sous la pluie, François Sofar pousse, imperturbable, le fauteuil d'un des nombreux pèlerins handicapés venus à Lourdes pour l'Assomption. Lui qui a "tout perdu" trouve dans le rendez-vous, dédié cette année à la précarité, de quoi nourrir sa "rage de vivre".
"Je viens aider les gens à se sentir mieux, à passer un bon moment", affirme ce Parisien de 59 ans, qui, il y a trois ans s'est retrouvé à la rue. Se rendre utile comme brancardier bénévole lui a redonné, dit-il, goût à la vie.
Lourdes célèbre cette année les 175e et 140e anniversaires de la naissance et de la mort de Bernadette Soubirous, cette jeune paysanne vivant dans une grande misère, à laquelle la Vierge serait apparue 18 fois en 1858 dans la grotte de Massabielle.
En hommage à cette figure, le pèlerinage a cette année été dédié aux personnes en précarité.
"Depuis la petite Bernadette, tant de personnes handicapées, mal fichues physiquement, matériellement, spirituellement ou socialement sont venues ici, qu'il est beau qu'on puisse faire retentir ce message de l’Évangile: +Heureux vous les pauvres car le royaume de Dieu est à vous+", relève le recteur du sanctuaire, le père André Cabes.
"Ici nous pouvons tous être renvoyés, même avec un beau compte en banque, à nos souffrances intérieures, à nos handicaps, à nos difficultés, et nous n'en avons plus peur. C'est une véritable cour des miracles, dans tous les sens du terme", sourit le religieux.
- Accueillir la précarité -
Il se félicite d'une progression de 15% des inscrits à cette 146e édition du pèlerinage national, le plus grand du catholicisme français. Jeudi, ils étaient 25.000 personnes venues célébrer l'Assomption, qui marque pour les catholiques la montée au ciel de la mère du Christ.
Dans cette foule, ils sont 325 cette année à faire partie, comme François Sofar, du "Pélé Mosaïque", une structure créée il y a onze ans pour permettre initialement à des prisonniers et des prostitués --aujourd'hui à toute personne vivant dans la précarité-- de participer aux célébrations.
Venus surtout de la région parisienne, ces pèlerins sont encadrés par différentes associations et logent toutes à la Cité Saint Pierre, sur les hauteurs de la Cité mariale.
"L'établissement, qui accueille environ 20.000 personnes par an, a vu le jour en 1955 de la volonté du fondateur du Secours Catholique, le père Jean Rodin, de permettre à des personnes en précarité du monde entier de séjourner à titre gracieux ou en laissant ce qu'elles peuvent", explique son directeur, Gonzague Amyot d'Inville.
- Une "chance" rare -
Devant le réfectoire, un groupe de femmes vêtues de boubous colorés improvisent une danse, aussitôt rejointes par des bonnes sœurs.
Amusée, Rachel Kwanya, habitante du quartier populaire du Mirail à Toulouse, les regarde de loin. Elle a encore du mal à réaliser "la chance" qu'elle a de séjourner dans un espace avec de grands espaces verts pendant plusieurs jours.
"Compte tenu de mes conditions financières, le peu que je pouvais apporter pour venir ici était suffisant. Ca fait bizarre quand même, c'est pas souvent que ça arrive", confie cette femme de 51 ans.
Au côté de plusieurs milliers de Sri Lankais, Philippins, Irakiens, Camerounais ou Américains de tous âges et milieux sociaux, Rachel et François ont assisté dans la matinée à la traditionnelle messe internationale, célébrée cette année par Mgr Luc Ravel, archevêque de Strasbourg.
Massée à l'intérieur de la basilique souterraine Saint Pie X, pour cause de météo capricieuse, la foule a entonné "Alleluia" d'une seule voix, avant de se recueillir en silence, tandis que s’égrainaient les messages en plusieurs langues des 250 prêtres co-célébrants.
Les pèlerins le souhaitant pourront aussi cette année assister à une comédie musicale sur la vie de Bernadette, une première pour le site. Ce spectacle, ainsi qu'un documentaire sur Lourdes sorti cette année ont-ils contribué à la hausse de la fréquentation? "En tout cas, c'était quelque chose d'inattendu qui permet d'incarner ce que nous voulions dire vraiment", remarque le père Cabes.
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