Le président argentin ultralibéral Javier Milei a officialisé jeudi son veto à une loi approuvée au Sénat visant à augmenter les salaires des enseignants du supérieur, malgré une manifestation massive la veille dans la capitale pour la défense de l'université publique.
Le veto présidentiel, publié au Journal officiel, reste toutefois en suspens, puisqu'il pourrait être invalidé par une majorité des deux tiers à la Chambre des députés, où le petit parti libertarien de Milei, La Libertad Avanza, minoritaire, ne parvient à ce jour qu'à des alliances ad hoc.
Milei a officialisé son opposition à cette loi malgré une manifestation massive mercredi à Buenos Aires pour défendre "l'urgence budgétaire" de l'université, des rattrapages salariaux pour les enseignants, et une réévaluation régulière des budgets sur fond d'inflation à 236% en interannuel.
"Sans éducation pour le peuple, pas de paix pour le gouvernement !", "La plus grande victoire: que l'université se soit remplie de fils d'ouvriers !", "De quelle +liberté+ on nous parle sans éducation ?", clamaient des banderoles et pancartes, brandies à Buenos Aires dans une foule diverse, et paisible, face à un imposant dispositif de sécurité et de barrières métalliques barrant l'accès au Parlement.
La manifestation, à l'appel d'enseignants et étudiants mais soutenue par des syndicats et mouvements sociaux, visait à reproduire celle d'avril, spectaculaire, où des centaines de milliers d'Argentins avaient manifesté dans la capitale et en province.
- "Université en danger" -
C'était, alors, pour défendre le budget des universités, gelé pour 2024 au niveau de 2023, malgré l'inflation hors contrôle. L'exécutif avait été contraint à une marche arrière, et des ajustements partiels, en deux temps pour 2024, des dépenses de fonctionnement.
Cette fois, le grief porte sur un rattrapage des salaires des enseignants du supérieur --autour de 600 euros pour un débutant-- et sur une loi, approuvée au Sénat, déclarant l'université en "urgence budgétaire", et posant une réévaluation bimensuelle de son budget.
"Je viens du village d'Ameghino (400 km de Buenos Aires, ndlr). Mes parents ont fait un grand sacrifice pour que je vienne étudier à la capitale, à l'UBA (Université de Buenos Aires). Jamais je n'aurais pu être un professionnel sans l'université publique et gratuite", a déclaré à l'AFP Ana Hoqui, 30 ans, interne à l'hôpital.
"C'est pour ça que je viens la défendre. Parce que je sens qu'elle est en danger".
Mais le bras de fer sur l'éducation publique, point fort historique de l'Argentine, et sujet sensible dans l'opinion, est aussi une opportunité de remobilisation pour l'opposition péroniste (centre-gauche), éperdue depuis sa déroute surprise en novembre face à l'outsider "anti-caste" et "anarcho-capitaliste" Milei, élu avec 55% des voix.
- Le "loup" chez le président -
D'où la présence mercredi dans le cortège de dirigeants syndicaux et de partis comme l'opposant Martin Lousteau (centre-droit) ou Sergio Massa (centre), candidat malheureux face à Milei en novembre.
"Il s'est bâti une question politique autour d'une loi (sur l'université) qui envisage un coût auquel l'Etat n'a pas moyen de faire face", a estimé le chef de cabinet (équivalent de Premier ministre) Guillermo Francos.
La manifestation survient sur fond de sondages convergents montrant pour la première fois une inflexion dans le soutien à Milei, autour de 40-45% d'image positive, contre environ 45-50% il y a deux mois.
Sur fond, aussi, d'indicateurs sociaux -une pauvreté en hausse accélérée à 52,9%- trahissant l'impact de l'austérité et de la récession, malgré le succès sur le plan de l'inflation, ramenée à autour de 4% mensuels, contre 17% en moyenne par mois sur l'année 2023.
Mercredi à l'heure de la manifestation, Milei recevait à la présidence Jordan Belfort, l'ex-trader new yorkais dont la fortune et la disgrâce ont inspiré le film "Le loup de Wall Street". "Deux défenseurs passionnés des libres marchés et de la liberté individuelle", a commenté M. Belfort sur son compte X, agrémenté de photos de la rencontre.
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