Nationalisation, ligne à grande vitesse, revitalisation du secteur... Au milieu du tumulte politique entourant le Brexit se joue aussi l'avenir des chemins de fer britanniques, fleuron historique à l'aura ternie par des retards à répétition, tarifs en hausse et multiples polémiques.
Avec la tenue probable d'élections anticipées pour sortir de l'impasse sur le Brexit, une renationalisation du secteur est aujourd'hui une hypothèse crédible si l'opposition travailliste sortait victorieuse du scrutin.
De son côté, le Premier ministre conservateur Boris Johnson promet de vastes investissements et un "âge d'or pour les infrastructures", notamment le rail.
En présentant ses priorités budgétaires, le ministre des Finances Sajid Javid a encore martelé mercredi devant le Parlement "qu'il n'est pas acceptable que tant d'habitants des banlieues passent leur matinée à fixer des affichages de retards sur leur quai de train".
Il a ajouté que "de meilleures liaisons à travers le pays joueraient un rôle crucial" pour rééquilibrer l'économie britannique, centralisée sur la capitale londonienne.
Le gouvernement Johnson a par ailleurs commandé une vaste évaluation du secteur, décrite comme "la plus importante" depuis que les conservateurs ont privatisé la société de chemins de fer British Rail au milieu des années 90.
Son résultat est attendu à la fin de l'année, et d'ici là le leader travailliste Jeremy Corbyn pourrait se retrouver au pouvoir.
Il a aussi fait du rail l'un des points phares de son programme économique, optant lui pour une nationalisation pure et simple.
Pour Gwilym David Blunt, professeur de politique internationale à la City University of London, une nationalisation de l'ensemble du secteur ferroviaire "est sans aucun doute un élément qui peut faire gagner des votes" au Labour.
Si les chemins de fer britanniques restent détenus par l'Etat, les trains eux-mêmes sont gérés essentiellement par des entreprises privées, largement subventionnées.
- "Terrible état" -
Les chemins de fer britannique, à l'origine de la Révolution industrielle en Grande-Bretagne, "étaient à l'époque une source de fierté dans ce pays et ils sont maintenant en terrible état comparé au reste de l'Europe", constate M. Blunt, interrogé par l'AFP.
Ils sont "bondés, chers, en retard, et vétustes. Les électeurs sont en colère", ajoute-t-il.
Les voyages en train atteignent des records au Royaume-Uni, à près de 1,76 milliard pour 2018-2019, selon les dernières statistiques officielles, mais un premier compte-rendu de l'étude commanditée par le gouvernement fait état d'une satisfaction des utilisateurs au plus bas depuis une décennie.
Le gouvernement a commandé parallèlement un autre rapport sur projet de ligne à grande vitesse High Speed 2 (HS2), qui doit lier Londres à Birmingham, Manchester et d'autres villes du nord du pays.
Ce pharaonique chantier, qui créerait la première ligne au nord de Londres en 150 ans, est miné par les retards, envolées de coûts, et des accusations de manque de transparence.
Le ministère des Transports a fait savoir cette semaine qu'il allait coûter plus de 20 milliards de livres (22 milliards d'euros) de plus que prévu, soit 88 milliards de livres au total.
La mise en service de sa première phase pourrait par ailleurs ne pas avoir lieu avant 2031, contre 2026 prévu jusqu'alors. Il faudra peut-être attendre 2040 pour que la deuxième phase, qui doit relier Manchester et Leeds au nord du pays, soit opérationnelle.
Le gouvernement de Boris Johnson n'a pas exclu de renoncer à ce projet compte tenu du coût faramineux et des travaux colossaux requis. D'autant que beaucoup estiment au Royaume-Uni que la priorité serait d'améliorer le piteux état des lignes de banlieues ou régionales.
L'exécutif a ordonné la semaine dernière un réexamen complet de HS2. Attendu à l'automne, il indiquera au gouvernement si ce chantier colossal doit se poursuivre, être modifié, ou tout simplement arrêté.
Un autre projet majeur de nouvelle ligne de métro, Crossrail, qui doit permettre de relier plus rapidement l'aéroport d'Heathrow au centre de Londres ainsi que l'est et l'ouest de la capitale, affiche pour sa part un retard de deux ans au compteur et devrait être mis en service en 2021, gonflant les coûts de construction de 3 milliards de livres à 18 milliards au total.
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