La Chine domine l'industrie mondiale des batteries automobiles mais l'Europe intensifie ses efforts pour combler son retard abyssal avec l'ambition affichée d'établir un "Airbus des batteries".
Au cœur de la suprématie chinoise, les cellules lithium-ion: c'est le composant-clef d'une batterie rechargeable de voiture électrique, mais peu de constructeurs se hasardent à les produire.
"Ils sont forcés de travailler avec les fournisseurs de batteries établis", faute "d'avoir le temps de développer leur propre technologie", ce qui impliquerait des investissements colossaux et risqués dans la chimie, insiste Xavier Mosquet, analyste du cabinet BCG.
L'Europe reste absente du paysage, avec 1% de la production mondiale de cellules lithium-ion, alors que le marché mondial des batteries auto pourrait atteindre 45 milliards d'euros en 2027, dont 20% à 30% en Europe, selon BCG.
A contrario, la Chine abrite les deux tiers des capacités de production du globe. Assurant un quart de l'offre planétaire, le mastodonte chinois CATL est numéro un, devant le japonais Panasonic, un autre chinois, BYD, et le sud-coréen LG-Chem.
Une domination logique: la Chine représente la moitié des ventes mondiales de véhicules électriques et Pékin impose aux constructeurs l'usage de composants locaux.
Par ailleurs, les chinois Tianqi et Ganfeng contrôlent un tiers de l'offre mondiale de lithium via leurs investissements dans les mines australiennes et chiliennes.
- 'Champion européen' -
Sous pression, les constructeurs cherchent à réduire leur dépendance.
"Nous travaillons avec cinq producteurs de cellules en Chine. Nous avons un accord avec CATL, mais ne voulons pas mettre nos oeufs dans un seul panier", confie Stephan Wöllenstein, directeur de Volkswagen Chine.
L'allemand a également annoncé début avril un accord avec Ganfeng pour garantir ses approvisionnements de lithium durant dix ans.
La question se pose désormais en Europe, où les ventes de voitures électriques devraient décoller, dopées par les restrictions d'émissions: l'importation massive de cellules lithium-ion serait prohibitive.
"Je ne peux être satisfait d'une solution où 100% des batteries de mes voitures électriques sont produites en Asie", s'agaçait mi-février le président français Emmanuel Macron.
Préoccupés, Paris et Berlin ont signé fin décembre un accord "stratégique" pour développer une filière européenne de batteries: l'Allemagne entend y consacrer un milliard d'euros et la France 700 millions en cinq ans, évoquant des usines des deux côtés du Rhin.
Auparavant, l'Union européenne avait appelé à créer un "Airbus des batteries" associant constructeurs et firmes spécialisées.
Parmi les groupes automobiles présents au salon de Shanghai, l'enthousiasme reste mesuré: pour l'heure, ils poussent surtout leurs fournisseurs asiatiques à s'installer en Europe.
CATL construit déjà à Erfurt (Allemagne) une usine géante, qui fournira BMW dès 2022.
LG-Chem produit depuis l'an dernier en Pologne des cellules pour Daimler, Volvo, Audi et Renault. Le sud-coréen Samsung-SDI possède une usine en Hongrie, pays où son compatriote SK-Innovation construit également deux sites.
"Beaucoup d'Asiatiques s'installent en Europe, il existe déjà une production européenne qui fonctionne", note Thierry Bolloré, patron de Renault. "Mais un nouvel acteur européen est une excellente idée, nous serions heureux de coopérer avec ce champion -- s'il émerge", reconnaît-il.
Néanmoins, Renault a exclu en octobre de participer à un consortium de type "Airbus des batteries", jugeant que "c'était aux fournisseurs de le faire".
- Pionnier suédois -
Même ambivalence chez BMW: "Notre volonté est de contribuer" à l'émergence d'un producteur européen, assure Nicolas Peter, son directeur financier.
"Mais il est important pour un constructeur de ne pas devenir fabricant lui-même de cellules. On se priverait du choix entre plusieurs fabricants et technologies", insiste-t-il, jugeant cette concurrence nécessaire pour favoriser l'innovation et réduire des coûts encore élevés.
Volkswagen s'est justement associé fin mars au suédois Northvolt pour former "une union européenne des batteries" vouée exclusivement à la recherche.
Rare spécialiste européen des accumulateurs, Northvolt a mis en chantier en Suède, avec l'aide de Siemens, la plus grosse usine de batteries du continent, d'un coût minimum de 1,6 milliard d'euros, pour démarrage dès 2020.
Son rival néerlandais Lithium Werks, qui possède deux usines en Chine, est lui en pourparlers avec la Pologne pour construire une usine géante, un investissement surpassant un milliard d'euros.
Selon l'Union européenne, il faudra entre 10 et 20 "giga-usines" de ce type pour satisfaire la demande européenne en 2025.
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