Des constructeurs automobiles aux sous-traitants informatiques en passant par l'industrie du luxe, les multinationales du monde entier s'interrogent: l'épidémie de coronavirus qui secoue la Chine va-t-elle se propager également à leurs résultats financiers?
"Ce n'est pas tant le virus en soi qui présente un problème pour l'économie mondiale que le sentiment négatif qui en découle, qui s'auto-nourrit et qui tourne en boucle", décrypte Jeffrey Halley, analyste à Singapour pour Oanda.
Alors que l'administration chinoise prend des mesures drastiques pour contenir le virus, les entreprises étrangères se préparent déjà à ce que la crise perdure finalement au-delà du Nouvel An chinois, période pendant laquelle le pays se fige.
La situation pourrait même s'aggraver lorsque les festivités, synonyme d'activité réduite et d'entreprises fermées, seront finies.
Mercredi, le géant taïwanais de la tech Foxconn a annoncé que ses centres de production en Chine resteraient à l'arrêt jusqu'à la mi-février et que ses ouvriers pourraient différer leurs retours.
Cette décision pourrait déclencher une réaction en chaîne négative chez les fabriquant de smartphones, d'écrans plats ou d'ordinateur, tous clients de Foxconn.
Désormais interdits de voyages groupés à l'étranger, les touristes chinois donnent également des sueurs froides aux places fortes du luxe et de la mode que sont Paris et Milan. Plus largement, c'est tout le tourisme et le secteur des transports qui redoutent l'impact de la crise sanitaire sur leur activité.
Économiste spécialiste de la Chine pour ING, Iris Pang prévoit ainsi que le tourisme mondial recule de 30% cette année en raison du virus qui s'est déjà propagé à l'Asie, l'Europe et l'Amérique du Nord, même si de nombreuses compagnies aériennes ont rapidement réduit leurs vols vers et depuis la Chine.
- Des voitures aux cafés -
Selon Mme Pang, la croissance annuelle des ventes de détail en Chine pourrait même être divisée par deux et se réduire à 3 ou 4%, mettant ainsi en péril les engagements du gouvernement d'importer plus de produits américains dans le cadre de l'accord pour mettre fin à la guerre commerciale entre les deux pays.
Plusieurs mois de crise pourraient même conduire la Réserve fédérale américaine à réviser sa politique et à remonter ses taux d'intérêt, imagine déjà M. Halley.
Étendues à plusieurs villes de la région centrale de Hubei, les mesures de quarantaine ont déjà des conséquences sur le quotidien de millions de Chinois et les effets collatéraux sur les entreprises sont désormais inévitables.
Epicentre de l'épidémie, Wuhan est une plaque tournante pour les constructeurs automobiles américains, européens et japonais et les pays concernés ont déjà commencé à organiser le rapatriement de leurs ressortissants.
General Motors, PSA, Renault et Nissan avouent suivre de près l'évolution de la situation à Wuhan. Toyota a même déjà annoncé la suspension de sa production en Chine, au moins jusqu'au 9 février.
Cette crise tombe également très mal pour Elon Musk, dont la nouvelle usine géante de Shanghaï, la seule de la marque Tesla en dehors des Etats-Unis, vient de livrer début janvier ses premières voitures électriques Model 3.
"Les investisseurs montrent déjà des signe de nervosité concernant les impacts économiques au sens large de cette crise sanitaire qui seront potentiellement ressentis bien au-delà de la Chine, une zone pourtant essentielle aux bénéfices de l'industrie automobile mondiale", assure David Leggett, expert pour la société de conseils Globaldata.
Dans ce contexte, Apple a donné mardi des objectifs inhabituellement larges pour le trimestre en cours et son patron, Tim Cook, a indiqué travailler sur "des plans pour atténuer" la baisse éventuelle de la production de ses fournisseurs chinois.
Starbucks a, lui, refusé de livrer la moindre prévision de son prochain chiffre d'affaires en raison "de la situation changeante liée au coronavirus". La chaîne emblématique a déjà dû fermer la moitié des plus de 4.000 cafés qu'elle compte en Chine continentale.
Pour Matthew DiFrisco, analyste pour le cabinet de conseils Guggenheim, c'est pourtant McDonald's et Domino's qui courent le plus grand risque parmi les marques américaines.
Si la crise devait se prolonger, d'autres secteurs pourraient à leur tour être touchés, parmi lesquels l'industrie pharmaceutique, la Chine étant le principal producteur des substances actives ensuite transformées en médicaments en Europe.
Vos commentaires