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De nouveaux agriculteurs expérimentent l'exotique en "circuit court"

 

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"Ça, c'est mon bijou !": Fred Morlot est fier de dévoiler une variété de canne à sucre originaire de la Réunion qu'il chouchoute dans ses serres au pied des montagnes des Pyrénées.

Avec sa compagne Lili Blandin, ce pépiniériste de 51 ans s'est lancé en 2017 dans l'acclimatation de fruits, légumes et aromates de l'île de l'océan indien au climat méditerranéen de la région de Perpignan.

Près de Toulouse, Violaine Percie de Sert et son mari Bruno Celsi se sont pour leur part mis à produire de l'aloe arborescens, plante originaire d'Afrique du Sud très prisée pour ses vertus médicinales. Jusque-là, ce couple se limitait à commercialiser, comme complément alimentaire, des feuilles venues des Canaries.

A l'ère du changement climatique, ces pionniers sont convaincus de la nécessité "de produire bio et local" et "inventent" le circuit court pour les produits exotiques.

"On s'est dit que c'était plus cohérent, lorsque l'on propose un produit bio, de produire local plutôt que de faire venir des feuilles par avion toutes les semaines", explique Bruno, ancien salarié de l'aéronautique comme son épouse.

L'aloe arborescens, "cousine de l'aloe vera", recèle "20 fois plus de produits actifs", précise Violaine, expliquant que les adeptes en mixent les feuilles pour faire des jus.

- Bio, donc local -

Lili et Fred ont pris le virage après un voyage à la Réunion. Elle est alors "infirmière en reconversion" et lui "pépiniériste avec trente ans de métier" à Torreilles, village voisin du Barcarès.

"Par hasard en 2013, un ami me demande de faire le jardin de son nouveau restaurant à la Réunion", lance Fred. Sur l'île, le couple est émerveillé par la richesse des étals de marchés et les saveurs de la cuisine créole.

"J'ai eu une illumination pour cette île, pour les gens", affirme Lili. Elle rapporte alors un régime de banane dans ses bagages. "En goutant un fruit, mon fils m'a dit: +C'est ça le vrai goût de la banane!+... Notre décision était prise de se lancer dans ce projet".

Violaine et Bruno ont quant à eux sauté le pas lors du départ à la retraite de leur producteur de Tenerife en 2015. Ils deviennent agriculteurs. Il leur a quand même fallu "deux ou trois ans" de tâtonnements pour réussir à acclimater la plante sous serre dans la région toulousaine.

- Saveurs des îles -

Dans les Pyrénées-Orientales, Lili et Fred ont réussi à recréer le climat de la Réunion sous onze serres et y cultivent aujourd'hui plus d'une soixantaine de produits tropicaux.

"Les plantes communiquent entre elles. Elles développent des stratégies de lutte contre les nuisibles", s'enthousiasme Fred, qui prône "les bienfaits de la polyculture" tout en arpentant ses plantations de gingembre, de mangues, d'aromates, etc.

Interrogé sur la capacité de ses bananiers à résister aux températures négatives dans les serres non chauffés, il répond simplement que c'est son "secret". Il se limite à évoquer "la préparation des sols" afin que la plante ait ce dont elle a "besoin pour lutter seule contre les stress".

Ce nouvel agriculteur préfère parler de la richesse des saveurs, montre des "pommes en l'air", sorte de patates qui poussent en surface, disserte sur "les jambrosades, petits fruits qui exhalent un parfum de rose" et affirme qu'il est primordial de cueillir "à maturité".

"Comme à la Réunion, on pollinise à la main les fruits du dragon (pitaya: ndlr) la nuit car ici on n'a pas la chauve-souris qui fait le boulot", plaisante l'ex-infirmière devant le magnifique fruit rouge d'un cactus filiforme.

Lionel Giraud, l'un des chefs étoilés qui se fournit là, estime que c'est un luxe que de disposer "de fruits exotiques en circuit court".

Ils permettent à ce grand cuisinier de Narbonne, soucieux de ne travailler que des produits locaux d'excellence, d'élargir sa palette de saveurs.

"Je pratique +une cuisine du vivant+ composée au jour le jour, avec ce que la nature nous offre", explique-t-il, évoquant "un soufflet aux fruits de la passion" ou "une soupe de goyave".

Un bémol: ces clients exigeants voudraient "plus de produits". Ce à quoi Lili et Fred répondent qu'ils préparent "quelque chose" pour 2024. Mais c'est encore un secret...


 

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