"Catastrophique", "plus d'extras le week-end": au douzième jour de grève dans les transports, en particulier à Paris, et d'un mouvement contre la réforme des retraites qui perdure, commerçants et hôteliers-restaurateurs commencent à faire leurs comptes pour leur chiffre d'affaires à une semaine de Noël.
"C'est toujours catastrophique à Paris: non seulement plus aucun évènement, conférence, séminaire… ne va se tenir d'ici la fin de l'année, mais il y a un nouveau phénomène: nous n'avons plus du tout de réservations", affirme Franck Delvau, coprésident pour Paris et l'Ile-de-France de l'Union des métiers et industries de l'hôtellerie (Umih), la principale organisation du secteur de l'hôtellerie-restauration.
D'une part, explique-t-il, "une fois rentrés chez eux après une journée de galère, les gens n'ont pas envie de ressortir le soir", et d'autre part, "les restaurateurs réduisent leurs achats de matières premières" et "ne prennent plus d'extras le week-end".
"Au plan national, sur la semaine, on est à -30% de chiffre d'affaires pour les hôtels, -35% pour les traiteurs-organisateurs de réceptions, -40% pour les cafés-bars et -45% pour les restaurants, selon une enquête à laquelle environ 6.000 de nos adhérents ont répondu", détaille Franck Trouet, porte-parole du GNI-Synhorcat (indépendants).
- bijoutiers à la peine -
Pour Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, la fédération du commerce spécialisé, "on ne peut pas être optimiste pour la semaine à venir", la dernière avant Noël.
La semaine dernière, les chiffres d'affaires ont accusé des baisses de -25% à -30% en région parisienne, "sur une base de comparaison déjà faible en raison des +gilets jaunes+ l'an dernier", qui peut aller jusqu'à -40%, voire -45% si l'on compare à 2017, précise-t-il.
Au Conseil du commerce de France (CdCF), qui regroupe 31 fédérations professionnelles, on confirme que l'ensemble de l'Ile-de-France est "la plus affectée" par le mouvement, avec des baisses d'activité de 20%, tous secteurs confondus.
Certains métiers sont particulièrement touchés: parfumeurs, magasins de jouets, chocolatiers... "Quant aux joailliers-bijoutiers, ils accusent des pertes de 30% sur l'ensemble de la France", souligne le président du CdCF, William Koeberlé.
En région parisienne, les commerces situés près des gares et sur les parcours des manifestants sont particulièrement pénalisés, avec jusqu'à 80% de pertes de chiffre d'affaires. En revanche, "dans les grandes villes de province, l'activité se poursuit, pas de manière euphorique certes, mais c'est stable", précise-t-il.
- lassitude et colère -
"L'an dernier, on avait eu une excellente dernière semaine de Noël, mais aurons-nous la même chose cette année, les gens vont-ils faire l'effort de se déplacer?" M. Le Roch s'inquiète notamment pour les commerces de bouche, pour qui les jours prochains pèsent jusqu'à 60% du chiffre d'affaires du mois.
Du côté des hôteliers-restaurateurs, "la population et les touristes attendent de voir ce qui va se passer sur la fin de l'année pour décider, ou pas, de revenir à Paris", estime M. Delvau.
"Pour les hôtels, pour l'instant il n'y a pas d'annulations pour la période des fêtes: tout le monde continue d'espérer pouvoir retrouver sa famille, ses amis… Mais on ressent une grande fatigue, tant du côté des patrons que des salariés", souligne de son côté M. Trouet.
"Il y a aussi une colère qui monte", ajoute-t-il: "l'Etat donne des aides pour payer des charges sociales, fiscales, mais en même temps on discute, à l'Assemblée nationale, d'une taxe additionnelle de 10 euros sur les CDD d'usage qui fera aller dans le mur les traiteurs organisateurs de réceptions".
"Nous avons demandé à Bercy ce matin (lundi) de nous aider, de façon pratique, à rendre très simple et quasi automatiques les démarches pour bénéficier des aides de l'Etat, afin d'assumer une trésorerie qui va être compliquée dans certains établissements", explique pour sa part M. Delvau.
Au CdCF, on s'interroge cependant pour savoir si ces aides seront suffisantes: "l'an dernier, 100.000 commerces avaient été aidés", rappelle M. Koeberlé. "S'ils +dégustent+ encore cette année, ils seront vraiment en danger."
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