La Banque centrale européenne a dégainé à son tour jeudi un arsenal de mesures face aux conséquences économiques à l'épidémie de coronavirus, mais estimé que la réponse devait d'abord venir des gouvernements.
Du côté des Etats, le président français a renvoyé la balle à l'Institut monétaire. "La Banque centrale européenne a fait part de ses premières décisions. Seront-elles suffisantes? Je ne le crois pas", a critiqué dans la soirée Emmanuel Macron.
D'un ton très ferme, la présidente Christine Lagarde a tracé face à la presse une ligne de partage: à charge pour la BCE, par ses décisions ciblées, de maintenir de "bonnes conditions de financement pour les ménages, entreprises et banques" fragilisés par cette crise.
L'institut de Francfort va pour cela favoriser les prêts aux PME et renforcer ses achats de dette publique et surtout privée. Contrairement à ce qu'attendaient nombre d'observateurs, la BCE n'a pas touché à ses taux directeurs.
Mais le "choc majeur" causé par l'épidémie, à l'origine d'une "considérable aggravation des perspectives de croissance", requiert avant tout une "réponse budgétaire ambitieuse et coordonnée", a martelé Mme Lagarde.
"Je ne crois pas que qui que ce soit devrait attendre des banques centrales qu'elles soient en première ligne de la réponse", a-t-elle insisté, tout en fustigeant "la complaisance et la lenteur" des gouvernements "en particulier en zone euro".
- Mesures 'ciblées' -
L'ancienne patronne du Fonds monétaire international a même suggéré une mesure - "des garanties sur les crédits" - et un calendrier, en renvoyant à la réunion de l'Eurogroupe lundi prochain.
Les places boursières, déjà en pleine déroute et qui attendaient beaucoup de la BCE, ont terminé sur des chutes historiques: -12,28% à Paris, -12,24% à Francfort, -10% à Londres, -14,06% à Madrid et même -16,92% à Milan.
L'institut de Francfort a opté pour "une collection" de mesures "ciblées mais plus restreintes" que celles de la Réserve fédérale américaine ou la Banque d'Angleterre, avant elle, qui ont toutes deux baissé leurs taux.
Il s'agit avant tout "de désamorcer les problèmes de liquidités des banques ou des PME liés à la crise", a résumé Clemens Fuest, de l'institut allemand IFO.
Dans le détail, l'institut a lancé un programme de prêts ciblés sur les PME, pour que les banques aident les entreprises frappées par l'épidémie à boucler leurs fins de mois. L'objectif est d'éviter une vague de faillites, qui aurait des conséquences sociales catastrophiques.
- L'Italie sous pression -
Par ailleurs, la BCE a annoncé qu'elle dépenserait 120 milliards d'euros supplémentaires d'ici la fin de l'année pour acheter de la dette, particulièrement celle "du secteur privé". Cet effort vient renforcer le programme relancé en novembre et portant déjà sur l'achat de 20 milliards d'euros d'actifs publics et privés par mois.
Enfin, l'institut a autorisé les banques sous sa supervision à s'affranchir temporairement des exigences de fonds propres et de liquidité en vigueur, pour éviter à tout prix que des établissements sous pression cessent de financer l'économie.
Face à la presse, Mme Lagarde a souligné l'incertitude sur l'impact de l'épidémie, qui devrait être un choc "temporaire" si "les bonnes mesures sont prises par l'ensemble des acteurs".
Alors que l'Italie est de loin le pays européen le plus touché par la crise, elle a expliqué que les décisions de la BCE pourraient "aider" le pays. Mais elle n'a évoqué aucune réponse ciblée, malgré l'appel du pied la veille du ministre italien de l'Economie.
"Nous ne sommes pas là pour combler les spreads, ce n'est pas la fonction ou la mission de la BCE", a-t-elle déclaré, en référence aux tensions entourant la dette italienne sur le marché obligataire.
Répondant ensuite à la chaîne CNBC, elle a néanmoins promis d'utiliser "toute la flexibilité" du programme de rachats de dette: tant qu'elle respecte certaines limites, la BCE peut en effet racheter plus particulièrement des obligations d'Etat italiennes si le pays peine à se financer.
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