Les vendanges sont loin d'être exceptionnelles cette année en France; le volume de vin accuse une diminution de 12% par rapport à 2015. Certains sont plus chanceux et en profitent pour se mettre au bio.
Clac, clac, clac, d'un geste rapide et précis, les passionnés coupent toutes les grappes d'un pied de cépage merlot en quelques secondes et s'empressent de les verser dans une cagette portant l'inscription Château Montrose: ce grand cru classé bordelais vinifie pour la première fois en agriculture biologique. "Bio ou pas bio, je ne vois pas la différence", sourit Teresa, une belle trentenaire, casquette sur la tête. Cette Espagnole fait partie d'un groupe de 90 vendangeurs d'un village andalou, Pruna, qui vient chaque année depuis plus de 50 ans au Château Montrose, second grand cru classé dans le classement de 1855, propriété des frères et millionnaires Martin et Olivier Bouygues (BTP, télécoms et médias).
Au chai du château, dans l'appellation Saint-Estèphe, en Médoc, entouré de vignes qui dévalent jusqu'à l'estuaire de la Gironde, il n'y a pas non plus de différence... pour l'instant. "On fait le constat que le bio se comporte extrêmement bien, aussi bien qu'en conventionnel", reconnaît le vinificateur Vincent Decup, s'attendant dans un premier temps à des rendements plus faibles mais à une qualité supérieure en bio.
Les bras s'activent autour des trois tables de tri. Les raisins défilent, les plus petites baies ou celles brûlées par le soleil sont jetées, tout comme les feuilles. Les machines prennent le relais avant un quatrième tri, de nouveau manuel.
"Un très joli millésime"
"On a les premières cuves qui arrivent en fin de fermentation, c'est un peu tôt pour se prononcer mais on est déjà sur un très joli millésime", comme en 2010, se réjouit le maître de chai, soulignant que le ramassage se fait dans "des conditions exceptionnelles".
Château Montrose rejoindrait ainsi les dix grands crus classés en bio ou en conversion. Ils n'étaient que deux sur un total de 88 il y a cinq ans. "75% des grands crus classés font des essais pour améliorer les techniques environnementales. C'est une tendance croissante qui est très forte", reconnaît Philippe Castéja, président du Conseil des grands crus classés en 1855.
Ce changement implique surtout une évolution des méthodes de travail pour le chef de culture, Patricia Teynac, avec "un peu plus d'organisation et de moyens": "Le bio, c'est une approche délicate. Il faut toujours être dans l'anticipation, traiter avant les pluies ou après", constate-t-elle.
La biodiversité, bien présente sur un domaine qui, outre les 95 ha de vignes, s'étend sur 145 ha, est également encouragée avec des hôtels à insectes ou encore des buissons, dans la même logique de prendre soin de la vigne par la nature elle-même.
Autre atout de Montrose, à la pointe de la technologie après que la demeure elle-même ait été rénovée dans le style du XVIIIe siècle: son micro-climat. L'estuaire, à quelques centaines de mètres, permet de réguler les températures et d'offrir une bonne ventilation, idéale pour atténuer les attaques de mildiou sur les vignes, plus sensibles en bio.
Avec ce changement de cap vers une viticulture plus respectueuse de l'environnement, "il faut accepter la part de risque, il n'y a pas de production de grands vins sans prise de risque", conclut Hervé Berland.
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