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Les ruines de Sonoma, au hasard des braises portées par le vent en Californie: "J'ai perdu toute ma vie, juste là"

"J'ai perdu toute ma vie, juste là": les ruines de Sonoma, au hasard des braises portées par le vent en Californie
Ruines après le passage de l'incendie Kinkade, à Healdsburg en Californie, le 28 octobre 2019Philip Pacheco
 
 

Les pompiers éteignaient encore les braises lundi dans la région de Sonoma (nord de San Francisco), où les quelques habitants qui n'ont pas voulu évacuer retenaient leur souffle, espérant que le plus dur était passé.

"J'ai perdu toute ma vie, juste là", dit Wade Hoefer, désignant d'une main tremblante un monceau de gravas, cendres, poutres calcinées et éclats de verre qui brillent au soleil. "Il ne me reste que les vêtements que j'ai sur le dos" - c'est-à-dire un short, un T-shirt, une veste élimée et des sandales fatiguées.

Cet artiste peintre de 71 ans a dû partir en quelques secondes samedi soir, alors que le vent précipitait les flammes sur son atelier, adossé à "Soda Rock", une propriété viticole.


 

Le "Kincade Fire" a déjà brûlé plus de 26.000 hectares de la région de Sonoma, renommée pour ses vins, et n'était contenu lundi matin qu'à 5%, selon l'agence des pompiers de Californie.

De la centaine de bâtiments ravagés par l'incendie, la salle de dégustation de Soda Rock était sans doute l'un des plus emblématiques. A sa construction en 1869, c'était à la fois "la banque, le magasin et la poste" de la région, explique Isabelle Adams, directrice événementielle de Soda Rock.

La façade d'époque en pierre a tenu bon, avec ses portes et fenêtres béantes, ouvertes sur des piles de tôles ondulées hérissées de clous.


 

"Choquant"

Le feu semble être tombé du ciel : les alentours sont intacts. Juste devant le mur, "Lord Snort" ("Lord Groïn"), un gigantesque sanglier sculpté en fer forgé, surplombe les ruines. De l'autre côté de l'allée, la vigne n'a roussi qu'au bout des allées, comme un automne précoce, très localisé.

"Le vent transporte des braises et des cendres encore brûlantes depuis le principal foyer de l'incendie", explique le Capitaine Joseph Amador, responsable de la communication pour les pompiers californiens. "Parfois il les emporte à des kilomètres de là, et c'est ce qui s'est produit ici".

La propriété viticole, rachetée après vingt ans à l'abandon, avait rouvert en 2010. Isabelle Adams y organisait notamment des dégustations et des mariages.

"C'est choquant. Mais au moins ce n'est que du matériel. On avait déjà tout construit, il va falloir tout reconstruire", dit-elle à l'AFP, évoquant "au moins 2000 bouteilles" parties en fumée.

Comme l'écrasante majorité des habitants de la région, elle est partie à temps. Le Kincade Fire n'a pas fait de victimes, contrairement au terrible incendie de l'automne 2017, qui avait tué 22 personnes et ravagé tout un quartier de Santa Rosa.

Mais les 3.000 pompiers mobilisés ne relâchent pas leur attention. Au bord des routes et depuis les hélicoptères, ils continuaient lundi d'éteindre des foyers, tandis que la police empêchait l'accès à la zone évacuée, pour éviter d'éventuels cambriolages, alors que 180.000 personnes environ ont été évacuées.


 

"Déjà tout perdu" en 2015

Josh Terry a été très impressionné par leur organisation. "J'ai vu passer des dizaines de camions, et puis je les ai vu se relayer depuis le parking des voisins", raconte ce soudeur de 41 ans, en train de réparer sa moto devant sa maison rouge, toute en bois.

"Il y avait de la fumée noire, et un rougeoiement dans le ciel. Nous étions prêts à partir avec ma copine, mais nous n'avons pas vu les flammes, et le vent a changé de sens, alors... nous sommes restés", ajoute-t-il.

En 2015, il a perdu sa maison lors du "Valley Fire", un incendie qui a détruit près de 1.300 maisons dans la région de Lake, au nord de la Californie.

"Avec mon ex-femme et mes enfants, on avait fui deux heures avant, et on avait vu les flammes plus bas dans la rue", relate-t-il. "Mais je ne voulais pas partir encore comme ça. J'ai toujours eu l'impression que j'aurais pu faire quelque chose".

Après avoir tout perdu, Josh Terry a déménagé, pensant s'éloigner des feux récurrents. Il est venu s'installer près de Healdsburg, là où il a grandi.

"Mais il y a deux ans, ça a recommencé. Mes parents ont été évacués. Et de nouveau cette fois-ci. C'est stressant. Mais nous sommes en vie et je suis là où je veux être".


 


 

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