Les négociations commerciales sur les produits vendus en supermarchés n'ont pas encore commencé mais s'annoncent tendues: grande distribution et agro-industriels s'accusent déjà l'un l'autre d'être indifférents au sort de l'agriculture française.
A partir de novembre et jusqu'au 1er mars suivant, ils s'efforceront de s'accorder sur les conditions auxquelles une large part des produits garnissant les rayons des supermarchés seront commercialisés pendant l'année.
En attendant, les accusations mutuelles ont fleuri ces derniers jours entre acteurs coutumiers des passes d'armes. Les agro-industriels pointent des supermarchés qui "contournent allègrement la loi française" tandis que les industriels ne protègent que "leurs marges" et pas les agriculteurs, selon la grande distribution.
La dernière éruption est venue de l'annonce d'une alliance aux achats d'ampleur entre Les Mousquetaires/Intermarché, Auchan et ce qui reste du groupe Casino (Monoprix, Franprix, CDiscount...). Le 3e, 5e et 7e acteur de la grande distribution vont acheter ensemble une bonne partie de leur approvisionnement.
L'ensemble va même rejoindre de vastes centrales d'achats européennes, Everest et Epic, rassemblant des enseignes comme Edeka (Allemagne) ou Picnic (Pays-Bas).
Or les centrales européennes sont régulièrement accusées de s'affranchir du droit français, notamment des diverses lois Egalim censées permettre une meilleure rémunération des producteurs agricoles.
- Budgets toujours tendus -
Pour la grande distribution, ces centrales et alliances à l'achat sont censées améliorer le rapport de forces face aux plus puissants industriels, multinationales (Ferrero, Nestlé, Procter & Gamble...) ou géants français (Lactalis, Agrial, Bigard...). Obtenir de meilleures conditions de vente est bénéfique pour le pouvoir d'achat des clients, assure le secteur main sur le coeur.
La hausse des prix s'est apaisée ces derniers mois mais le budget des consommateurs reste globalement sous tension. Le prix est plus que jamais le critère d'achat n°1 et les supermarchés s'efforcent d'être les moins chers possible pour attirer du monde, stratégie qui fait le succès du leader du secteur, E.Leclerc.
Mais les industriels assurent que cette demande de prix bas nuit à leur santé économique, et qu'elle les pousse à négocier aussi à la baisse avec le secteur agricole.
Le secteur agro-industriel, qui compte selon l'Ania environ 19.000 entreprises, est très divers, du petit producteur de confitures à des géants mondiaux aux niveaux de rentabilité enviables. Il est aussi concentré, puisque les 283 plus grosses entreprises de la transformation agro-industrielle génèrent pas moins de 86% du chiffre d'affaires du secteur.
Reste que les moins gros s'inquiètent. Pact'Alim, qui dit représenter 3.000 PME et ETI du secteur, estimait fin septembre que la mutualisation des achats "aura nécessairement pour effet d'accentuer le déséquilibre" entre fournisseurs et distributeurs.
- Elargir Egalim? -
Et l'intérêt des agriculteurs? C'est au nom d'une amélioration de leur rémunération que les gouvernements successifs n'ont cessé de réguler les négociations entre supermarchés et industriels, pour un résultat qui ne satisfait pas grand monde, notamment parmi les défenseurs du monde agricole.
En début d'année, des parlementaires avaient été chargés de plancher sur une nouvelle révision du cadre des négociations, avant que la dissolution ne stoppe le processus.
Les professionnels ne seraient pas surpris que le sujet revienne sur la table. Le Premier ministre Michel Barnier a dit mardi vouloir légiférer en faveur des agriculteurs.
La coalition syndicale majoritaire, FNSEA et Jeunes agriculteurs (JA), a plaidé au coeur de l'été pour "étendre les principes d'Egalim à l'ensemble des débouchés commerciaux", les supermarchés en représentant environ la moitié.
Dans leur ligne de mire, l'hôtellerie-restauration et les grossistes. La confédération de ces derniers (CGF), forte des relations commerciales apaisées qu'entretient le secteur, espère rester en dehors du cadre législatif.
"Il n'y a pas de problème, pas de revendication de l'amont ou de l'aval, et les choses se passent bien contrairement à d'autres relations commerciales, donc gardons notre régime spécifique", a récemment plaidé Isabelle Bernet-Denin, sa directrice générale.
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