La remise aux normes des voitures du groupe Volkswagen équipées d'un moteur truqué prendra des mois, a reconnu mercredi le nouveau patron du groupe, qui a aussi renvoyé la responsabilité de la supercherie à "quelques développeurs".
Matthias Müller, qui a pris la tête de Volkswagen il y a dix jours, a accordé sa première interview à la presse le jour même où le groupe rendait sa copie aux autorités allemandes sur l'organisation d'un gigantesque rappel.
Dans la soirée, le ministre allemand des Transports Alexander Dobrindt a annoncé avoir reçu ce courrier de Volkswagen, transmis pour examen à l'Autorité fédérale des transports (KBA), qui donnera ou non son feu vert "dans les prochains jours".
Onze millions de véhicules fabriqués par Volkswagen dans le monde sont équipées d'un logiciel fraudeur, dont 2,8 millions en Allemagne.
"Si tout se passe comme prévu, nous pourrons commencer le rappel en janvier, et d'ici fin 2016 tout devrait être remis en ordre", a dit le patron au Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ).
"Manifestement Volkswagen n'est actuellement pas en mesure d'assurer techniquement que des millions de voitures respectent les normes antipollution", a réagi l'ONG Greenpeace, se demandant "comment la population allait être protégée d'émissions excessives d'oxydes d'azote" ces prochains mois.
Le logiciel fraudeur permet de réduire les émissions de ces oxydes en situation de test, mais en réalité les voitures concernées en émettent jusqu'à 40 fois le plafond autorisé aux Etats-Unis.
Le rappel représente un énorme défi parce que, du fait de spécificités géographiques et selon les modèles - des marques Volkswagen, Audi, Skoda et Seat - "ce ne sont pas trois solutions qu'il nous faut mais des milliers". Pour certains véhicules, une manipulation informatique suffira, sur d'autres il faudra installer de nouveaux injecteurs ou catalyseurs.
Volkswagen prendra les coûts en charge, des milliards d'euros. S'y ajouteront les amendes dans différents pays, les indemnités réclamées par les actionnaires qui s'estiment floués après la débandade du titre en Bourse (-40% en deux semaines), et par les clients. Mercredi a été déposée en Allemagne la première plainte d'une cliente.
Sans compter le dommage commercial, alors que la réputation de l'entreprise, récemment couronnée numéro un mondial, a pris un sacré coup. "Nous ne voyons pas d'écroulement" des ventes pour le moment, a rassuré M. Müller.
- Coût chiffré en milliards -
Le montant total de la facture est encore flou - les prévisions des analystes financiers s'échelonnent de 25 à 60 milliards d'euros -, mais le patron a prévenu les quelque 600.000 salariés: il va falloir se serrer la ceinture, notamment sur les investissements. L'engagement dans le sport - Volkswagen sponsorise le club de foot de première division VfL Wolfsburg - sera réexaminé aussi.
Ces assurances mettaient du baume au coeur des investisseurs, et l'action a pris 7,12% à 104 euros à la Bourse de Francfort.
La question de qui savait quoi et quand continue à agiter les esprits. M. Müller a promis de "faire la lumière sur les responsabilités dans le détail".
"D'après ce que je sais, seuls quelques salariés étaient impliqués", selon lui, "quelques développeurs". "Quatre personnes, dont trois directeurs responsables à différentes époques du développement des moteurs" ont été suspendues.
La presse allemande a identifié le chef du développement de la filiale Audi, Ulrich Hackenberg, et son homologue chez Porsche, Wolfgang Hatz. Volkswagen n'a pas confirmé.
"Je ne crois pas" que la direction autour de Martin Winterkorn, son prédécesseur qui a rendu son tablier quelques jours après l'éclatement de l'affaire, ait été au courant, a dit M. Müller. "Croyez-vous vraiment qu'un patron ait le temps de se préoccuper de la vie intérieure des logiciels de moteurs?"
M. Winterkorn, féru de technique, se targuait pourtant de connaître "chaque vis" des voitures du groupe.
Signe que les membres du conseil de surveillance ne croient pas en une implication de la garde rapprochée de l'ex-patron, ils ont fait rentrer mercredi dans l'organe de contrôle l'ex-directeur financier Hans Dieter Pötsch, censé à terme en prendre la tête. C'est Frank Witter, jusque là responsable de Volkswagen Financial Services, qui le remplace à la direction financière.
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