L'édition 2024 de la foire d'art contemporain Frieze London, qui ouvre ses portes jeudi à Londres, consacre pour la première fois une section aux oeuvres en céramique d'artistes essentiellement originaires d'Amérique latine, qui expérimentent avec l'argile tout en s'appuyant sur des traditions ancestrales.
Comme chaque année, quelque 60.000 galeristes, influenceurs et visiteurs sont attendus jusqu'à dimanche sous la gigantesque tente blanche plantée à Regent's Park, où s'exposent grands noms et artistes émergents.
"Frieze rassemble toute la communauté de l'art, avec des collectionneurs du monde entier, des galeries aux présentations exceptionnelles (...) et déjà de belles ventes", souligne Eva Langret, directrice de Frieze London, rencontrée mercredi par l'AFP lors de la journée réservée aux professionnels.
Pour cette 21e édition, le curateur du Hammer Museum de Los Angeles, Pablo José Ramirez, a créé une section thématique qu'il a baptisée "Smoke" ("Fumée"), en référence à l'art de la céramique et au travail de 11 artistes indigènes ou issus de diasporas, principalement d'Amérique centrale et Sud.
Cet espace "donne de la visibilité à des artistes qui, autrement, ne seraient sans doute pas présents dans une foire d'art internationale", indique à l'AFP ce conservateur né au Guatemala, qui était auparavant chargé de faire entrer des oeuvres d'art contemporain indigène dans les collections de la Tate Modern.
"Le travail de la céramique et de l'argile a toujours existé, mais ce n'est que récemment qu'il a été reconnu comme une forme d'art", ce qui lui a donné "un essor dans le monde de l'art contemporain".
Mais plus que la technique, c'est le fait de naviguer entre plusieurs mondes, entre des "histoires indigènes, ancestrales" et un art contemporain mondialisé qui unit les artistes de "Smoke".
Lucía Pizzani, artiste "en exil" arrivée à Londres en 2007, fait partie des "sept millions de Vénézuéliens qui ont quitté le pays" à cause d'une longue crise politique et économique.
Ses totems qui se dressent tels des gardiens sont fait d'argile anglaise d'un noir profond, sur lesquels sont imprimés des plantes d'Amérique latine comme le maïs ou l'eucalyptus, un mélange qui "reflète mon histoire de migration", raconte-t-elle à l'AFP.
Ses autres céramiques terracotta ont été confectionnées dans la communauté de potières d'El Cercado, sur l'île vénézuélienne de Margarita, en récupérant l'argile de la montagne puis en la faisant cuire sur un feu ouvert, selon des traditions transmises oralement depuis l'époque pré-hispanique.
- Marché de l'art au ralenti -
En parallèle de ce rendez-vous commercial incontournable, pour lequel 160 galeries de 43 pays ont réservé leur "box" à prix d'or, des expositions, ventes aux enchères et soirées privées auront lieu chaque jour aux quatre coins de la capitale britannique.
Les visiteurs pourront ainsi découvrir l'exposition Francis Bacon à la National Portrait Gallery, des oeuvres de Tracey Emin à la galerie White Cube ou de Yayoi Kusama chez Victoria Miro.
Après deux années d'effervescence suivant la pandémie de Covid-19, Frieze London s'ouvre dans un contexte morose pour le marché mondial de l'art, dont les ventes ont ralenti de 4% en 2023, selon un rapport de la banque UBS et Art Basel.
Refroidis par les incertitudes économiques et les tensions géopolitiques, les acheteurs montrent davantage de réticence à acheter des oeuvres contemporaines dont la valeur est souvent fluctuante.
Le Royaume-Uni reste une place forte de l'art, avec 17% des parts de marché mondiales en 2023, selon UBS et Art Basel. Mais il a vu son éclat faiblir depuis le Brexit et ses nouvelles réglementations fiscales, et s'est notamment fait doubler pour la première fois par la Chine (19%) l'an dernier.
Né à Londres en 2003 avant d'essaimer à New York ou à Séoul, Frieze fait aussi face à l'émergence d'un concurrent outre-Manche avec la foire "Paris + par Art Basel", dont l'ouverture le 16 octobre dans un Grand Palais restauré pourrait lui faire de l'ombre.
"Beaucoup de jeunes galeries ont ouvert dans la capitale, c'est un secteur très dynamique", assure toutefois Eva Langret, ajoutant qu'il y a "beaucoup d'excitation, et (que) Londres est toujours Londres".
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