Depuis le début de la crise, les Pays-Bas ont adopté une autre stratégie appelée confinement intelligent. Où en sont les Néerlandais dans le déconfinement et comment ça se passe ? Julien Modave et Benoit Elsen se sont rendus sur place pour RTL INFO.
Les beaux jours du printemps se vivent quasiment comme d'ordinaire aux Pays-Bas, où les magasins sont ouverts et où les habitants sont libres de sortir, un confinement dit "intelligent" qui contraste avec les pays voisins dans la crise du nouveau coronavirus. La règle d'or pour les Néerlandais, c'est le respect de 1,5 mètre de distanciation sociale. Les seuls endroits dont ils doivent se passer, ce sont les bars, restaurants, musées, et maisons closes. Les écoles rouvriront à partir du 11 mai.
La population a été appelée à rester au maximum à la maison et encouragée au télétravail, mais, "au moins, on peut aller dehors", clament les Néerlandais. Le maître-mot, c'est la responsabilité individuelle. "Mon amie en Belgique, elle doit rester chez elle et n'est autorisée qu'à promener son chien dans sa rue. Soyons sérieux un instant", lâche Bianca Kragten, vendeuse de vélos dans une rue commerçante de La Haye.
Dans la rue, il y a encore pas mal de monde et personne ne porte de masque, constate notre équipe sur place pour RTL INFO: "Le gouvernement ne l'a pas imposé et ne l'a même pas recommandé. Les seules obligations faites, ici, c'est de maintenir une distance de sécurité d'un mètre et demi et ils interdisent la présence de trois personnes en même temps, même sur le trottoir".
"Chanceux"
Pleine d'entrain, ignorant avec le sourire l'absence de touristes, Mme Kragten dispose des vélos de location devant son magasin, au-dessus duquel elle a attaché des petits drapeaux de pays pour "égayer" les gens. Quand le virus a fait son apparition, "c'était la panique totale" pour son commerce, confie-t-elle. "Puis, on a réalisé qu'on faisait partie des chanceux qui ont le droit de rester ouverts", raconte Mme Kragter, soulignant l'importance pour les gens de garder un contact.
Son voisin, un libraire, acquiesce, ravi de pouvoir sortir prendre un bol d'air frais quand bon lui semble. "Cela me semble très difficile de rester tout le temps à la maison. Je suis très content des possibilités que nous avons, aussi restreintes soient-elles", se réjouit Marijn de Koeijer.
En prônant cette forme de confinement, "plus facile à défendre et à expliquer aux gens", le gouvernement a gagné le "soutien de la population", estime-t-il.
Le Premier ministre, Mark Rutte, en a très vite fait le constat. "Aux Pays-Bas, ce qui ne fonctionne pas, c'est un gouvernement qui dit: vous devez faire ceci, vous devez faire cela", a-t-il déclaré fin mars lors d'une conférence de presse, après avoir dessiné les contours de son "confinement intelligent", plus proche de la politique suédoise.
La stratégie préconisée par M. Rutte est celle de l'immunité collective, un concept controversé qui n'a pas toujours été bien accueilli par les pays voisins au début de la crise.
Dans toute l'Europe, le dénominateur commun dans la gestion de la pandémie a été d'éviter les attroupements et l'isolement de personnes présentant les symptômes de la maladie, note Frits Rosendaal, professeur en épidémiologie clinique à l'Université de Leiden.
Ceci étant dit, "les gouvernements doivent ensuite convaincre la population" que les mesures prises sont les bonnes, analyse-t-il.
Choix "responsable"
Fidèles à la tradition du consensus politique, les Néerlandais ont délaissé le choix radical d'un confinement total, contrairement à la France, l'Italie ou l'Espagne, ambitionnant de préserver aussi bien la santé publique que l'économie. "Nous étions très proches d'être à pleine capacité dans les hôpitaux et de ne plus pouvoir aider les gens. Et grâce à ces mesures, nous sommes restés juste en dessous de ce seuil", explique M. Rosendaal.
Selon le dernier comptage des autorités, 38.802 cas de contamination au nouveau coronavirus ont été détectés aux Pays-Bas, dont 4.711 décès, pour une population d'un peu plus de 17 millions d'habitants. Le nombre de malades du Covid-19 admis dans les hôpitaux est aujourd'hui à la baisse, ce qui montre que les mesures ont "absolument eu un effet" et le choix d'une forme de confinement moins strict qu'ailleurs était un choix "responsable, médicalement et économiquement", observe le professeur.
"Ces deux ne sont pas opposés. Vous ne pouvez pas avoir une économie saine si la moitié de votre population est à l'hôpital", avance-t-il.
Quant à l'immunité collective, elle est encore bien loin.
"Si on attend ça, on peut encore attendre longtemps. Parce qu'aux Pays-Bas, seulement 3 ou 4% des personnes ont des signaux immunitaires indiquant qu'elles ont eu la maladie. Et pour une immunité de groupe, vous devez être au moins à 50%", affirme M. Rosendaal.
En temps normal, M. De Koeijer, méticuleux, compare quotidiennement les ventes avec celles de l'an dernier. Ce mois-ci, il a décidé de faire l'impasse. Parce que le confinement n'est pas total, il arrive tant bien que mal à préserver la moitié de son chiffre d'affaires.
"Tout est bon à prendre. Chaque livre que je vends en est un", dit-il.
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