Sous la pression de personnes indignées qui se sont mobilisées, notamment à travers le contre-groupe "Babylone 2.0: la revanche des filles", le groupe nauséabond a été suspendu par le géant américain. Cette affaire met une nouvelle fois en lumière les lacunes de Facebook dans sa gestion de contenus problématiques.
Facebook a suspendu le groupe secret Babylone 2.0 après que des milliers de personnes ont manifesté leur indignation sur le réseau social. Ce groupe, accessible seulement sur invitation de membres (c'est le principe du groupe secret sur Facebook) comptait plus de 52.000 membres, essentiellement masculins, qui s'échangeaient des photos d'anciennes conquêtes nues, souvent prises juste après une relation sexuelle et, évidemment, sans l'autorisation de ces dernières. Cet acte constitue un délit et, s'ils sont identifiés par la justice, les créateurs du groupe, comme les membres actifs qui ont déposé des photos où la personne est reconnaissable, risquent des sanctions pouvant aller jusqu'à une peine d'emprisonnement.
Afin justement d'éviter des risques avec la justice, les membres publiaient seulement des photos où les filles n'étaient pas identifiables ou avaient le visage masqué. Les tétons étaient aussi cachés afin de passer entre les mailles du filet du filtre automatique de Facebook. "La violation de la vie privée nécessite que l'on soit reconnu. On peut toujours porter plainte mais, sauf à arriver à démontrer qu'il y a un attribut reconnaissable, la marge de manoeuvre est très limitée pour obtenir des dommages et intérêts", indiquait Eric Barbry, un avocat français spécialisé dans le droit du numérique, dans un article du média français L'Express.
La revanche des filles
Malheureusement, de nouveaux groupes secrets Babylone ont immédiatement vu le jour. On observait l'apparition d'un groupe "Babylone Reborn" ou encore "Babylone 3". Mais ces groupes risquent de devoir faire face à une nouvelle fronde féminine qui s'est avérée efficace. En effet, si Facebook a fermé Babylone 2.0, c'est probablement grâce à la mobilisation et l'action de personnes qui se sont notamment regroupées dans un contre-groupe Facebook appelé "Babylone 2.0: la revanche des filles". Grâce à l'aide d'individus qui se sont faits inviter dans le groupe secret et ont pris des captures d'écrans des photos ainsi que des noms des personnes qui les mettaient en ligne, le contre-groupe a pu livrer à Facebook des preuves. Il a aussi pu constituer un dossier qui pourra être remis à la justice.
La responsabilité de Facebook
Cette affaire met une fois de plus en lumière la responsabilité de Facebook dans la gestion de son réseau social. On peut notamment déplorer l'impossibilité à joindre Facebook en cas de problème qui sort du cadre des problèmes envisagés par sur ses pages de plaintes. Facebook n'envisage par exemple pas dans ses formulaires de plaintes la possibilité de signaler un groupe secret dont on ne fait pas partie. On regrettera aussi l'absence de représentation de l'entreprise ici en Belgique et d'interlocuteur pour la presse, ceci alors que Facebook a plusieurs millions d'utilisateurs actifs dans notre pays.
La polémique a éclaté début janvier
La révélation de l'existence de ce groupe avait surgi la semaine passée et suscité immédiatement la consternation et le dégoût. L'article publié par le magazine web "Two girls one mag" avait notamment remué de nombreux témoins jeudi passé, et plusieurs d'entre vous nous avaient contactés via le bouton orange Alertez-nous.
"Il faut que ça s'arrête, c'est repris dans le cyber-harcèlement! S'il vous plaît, parlez-en, sensibilisez les jeunes des dangers d'internet!", nous écrivait Mélanie. "Je trouve honteux qu'on ne puisse plus faire confiance aux hommes juste pour leur plaisir personnel et leur ego. J'ai même été vérifier sur le compte de mon fiancé s'il n'y était pas inscrit! Heureusement pour moi, il n'est pas du même délire", nous confiait de son côté Amélie.
"Juste pour rajouter une ligne sur le cv"
À côté des images, les commentaires étaient crus et irrespectueux. "Première contribution: c’est très loin de l’avion de chasse qu’on traque tous, certes, mais du haut de mes 27 ans, je ne pouvais refuser ce taudis de 44 ans, juste pour rajouter une ligne sur le cv. Vieille peau √. On ne recule pas devant le défi". Voilà le genre de messages dégradants et inacceptables qui circulaient sur ces groupes.
"En 2017, on peut chercher la fille un peu libérée et s’empresser ensuite de se mesurer la bite comme un pauvre raté en la roulant elle dans la boue? D’où vient ce besoin de rabaisser ainsi quelqu’un avec qui on a partagé un petit instant?", s'interrogeait Chrys, auteur de l'article sur Two girls one mag.
"Nous en venons à avoir peur de vous"
Au-delà des propos misogynes et dénigrants, c'est le droit à l'image et au respect de la vie privée des victimes qui était bafoué. Les images diffusées pouvaient déboucher sur des situations dramatiques: on imaginait mal le séisme que vivrait une victime si ses collègues, sa famille ou ses amis tombaient sur les clichés. "Cela va vraiment tourner à des représailles ou alors même des suicides", s'inquiétait Loïc, l'un de nos lecteurs choqués par l'information.
La bloggeuse de Two girls one mag pointait une autre conséquence plus large: "Nous en venons à avoir peur de vous, peur pour nos petites soeurs ou nos filles qui devraient avoir un jour à affronter un trauma de ce type. Nous en venons à avoir peur de perdre notre travail pour un échange coquin qui tourne à l’humiliation. Nous avons peur de vous. Vous qui serez peut-être pères un jour de petites filles que vous aimerez du plus profond de votre coeur, vous construisez un monde où vous devrez leur apprendre à avoir peur de vos égaux".
Malheureusement, ce type de groupes existent aussi sur d'autres plateformes comme WhatsApp, Instagram ou encore Snapchat, et les victimes semblent être particulièrement démunies pour défendre leurs droits.
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