L'accord entre la Grèce et ses créanciers devait être voté mercredi au Parlement grec, avec un risque pour Alexis Tsipras de perdre sa majorité parlementaire, tandis que le FMI a semé le trouble en suggérant une nouvelle fois un fort allègement de la dette d'Athènes par l'Europe.
Clé de sa démonstration de bonne volonté aux créanciers, avant d'espérer obtenir dans quelques semaines un troisième plan d'aide d'au moins 80 milliards d'euros, le gouvernement de M. Tsipras a déposé dès mardi soir le projet de loi à faire voter "d'ici au 15 juillet", selon les termes de l'accord signé lundi matin à Bruxelles.
Il s'agit notamment d'une hausse de la TVA, et de l'adoption d'une règle d'or budgétaire.
M. Tsipras s'est expliqué mardi soir lors d'une interview télévisée sur les raisons qui l'ont poussé à signer, dans un climat de grande tension, ce texte qui est loin d'alléger l'austérité rejetée pourtant à 61% le 5 juillet par les Grecs, lors du référendum.
"J'assume mes responsabilités pour toute erreur que j'ai pu commettre, a-t-il déclaré, j'assume la responsabilité d'un texte auquel je ne crois pas mais que j'ai signé pour éviter un désastre au pays", en l'occurrence une sortie de l'euro en forme de plongée dans l'inconnu.
Il peut s'appuyer sur un sondage Kapa Research pour le journal To Vima -- réalisé sur un échantillon de 700 personnes -- révélant que, bien que très partagés sur les termes de l'accord, 70,1% des Grecs pensent que le Parlement doit l'adopter.
Reste à savoir qui des 300 députés votera pour. Les grands partis d'opposition, Nouvelle Démocratie (conservateurs), Pasok (socialistes) et Potami (centre-gauche), réunissant 1.065 députés à eux trois, y ont appelé.
- 'Déprimant' -
Désormais, c'est de l'attitude de la gauche de Syriza (149 députés) et de l'allié de droite souverainiste ANEL (13 députés) que risque de dépendre la composition future du gouvernement grec, voire son chef.
Le président d'ANEL Panos Kammenos, ministre de la Défense, a vigoureusement critiqué l'accord, ce qui ne préjuge pas du vote de celui en qui M. Tsipras a vanté mardi un allié "resté à ses côtés", avec lequel il a des rapports "parfaits".
Difficile aussi d'évaluer les comptes chez Syriza, dont 32 députés avaient manifesté des réticences (15 "oui mais", 2 non, 8 abstentions et 7 absents) lors du vote sur le principe même des négociations du week-end, vendredi dernier.
Il y aura de toute façon des défections de poids comme la puissante présidente du Parlement Zoé Konstantopoulou, ou le ministre de l'Energie Panagiotis Lafazanis, qui privilégie "les alternatives", comme un retour à la drachme.
Nadia Valavani, députée et cadre de Syriza, a présenté sa démission du poste de ministre adjoint des Finances, écrivant à M. Tsipras : "la solution qui nous est imposée aujourd'hui d'une façon si déprimante, n'est pas viable. Ni pour eux (l'Europe), ni pour le peuple (grec) ni pour le pays".
M. Tsipras, qui se décrit en "capitaine de navire", n'a pas voulu dire ce qu'il ferait des dissidents, "questions de procédure" interne qu'il a reléguées à plus tard.
Au passage, il a fait comprendre que les banques, fermées depuis le 29 juin, pourraient encore le rester au moins un mois, jusqu'à l'accord final sur un troisième plan. Il a espéré que la BCE, dont le conseil des gouverneurs se réunit jeudi, augmenterait le plafond de l'aide d'urgence aux banques, afin que les Grecs puissent retirer un peu plus que les 60 euros quotidiens qu'on leur impose depuis deux semaines.
Le Premier ministre a signé en espérant l'ouverture ultérieure d'une discussion sur un aménagement de la dette grecque, qui approche de 180% du PIB.
Or le FMI, un des trois créanciers avec l'UE et la BCE, a semé le trouble mardi soir, publiant, après des fuites dans la presse, un document assurant que la dette grecque est "totalement non ,viable" et doit subir une forte cure d'amaigrissement, soit par une longue extension des délais de remboursement, soit, préférablement, par un allègement pur et simple, auquel les Européens sont opposés pour l'instant.
- "Solution concrète et ambitieuse" -
Les statuts du FMI l'empêchant d'accorder des prêts à un pays dont il estime la dette non viable, "nous avons besoin d'une solution concrète et ambitieuse" au problème de la dette pour réintervenir en Grèce, a fait comprendre un haut cadre du Fonds sous couvert d'anonymat.
Il était difficile de juger de l'impact de cette prise de position sur la suite des négociations, notamment avant le vote par plusieurs Parlements européens de l'accord de lundi, parfois dans des pays très remontés contre la Grèce comme la Lettonie ou la Slovaquie.
Le secrétaire américain au Trésor Jacob Lew - les Etats-Unis, très vigilants à éviter que le problème grec ne vire au désastre, ont aussi la plus forte quote-part mondiale au FMI - a en tout cas annoncé une visite en Allemagne et en France mercredi et jeudi pour discuter "de la voie à suivre pour la Grèce au sein de la zone euro".
Le vote du Parlement grec se fait mercredi sur fond de grève des fonctionnaires grecs à l'appel du syndicat Adedy, la première depuis l'arrivée de Syriza au pouvoir, qui ralentissait l'activité des transports ou des hôpitaux en milieu de journée, sans la bloquer.
Une manifestation contre l'accord devait se dérouler mercredi soir devant le Parlement.
Vos commentaires