Les coups portés à la filière des "bateaux fantômes", récupérant les migrants au large de la Turquie pour aller en Italie, expliquent en partie l'afflux massif sur les îles grecques de migrants en route vers l'Europe, explique Joël Millan, de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) basée à Genève.
Question: On constate un changement dans les routes des migrants à travers la Méditerranée, avec de plus en plus de personnes qui arrivent dans les îles grecques, pourquoi ?
Réponse: "Un grand nombre de Syriens étaient en attente d'un bateau vers l'Italie ces derniers mois. On les appelle les bateaux fantômes parce qu'ils naviguent sans équipage, sur pilote automatique en direction des côtes italiennes. Il s'agissait de grands bateaux voués à la démolition rachetés par des passeurs et les Syriens les considéraient cependant comme plus sûrs que les embarcations au départ de la Libye.
Mais les autorités turques ont fait la chasse à ces achats et la filière a été stoppée.
Les Syriens préféraient débarquer en Italie car c'est plus facile de continuer vers le nord de l'Europe : l'Italie est dans le dispositif Schengen, pas la Grèce d'où il faut passer ensuite par la Macédoine, la Serbie, ce qui n'est pas facile.
Souvent ils avaient déjà payé les passeurs qui leur ont proposé des bateaux pneumatiques pour de courtes traversées vers les îles grecques. A défaut d'Italie, ils vont en Grèce.
93.000 sont ainsi arrivés en Grèce, mais nous pensons que c'est beaucoup plus". (L'ONU donne le chiffre de 124.000 pour les sept premiers mois de l'année).
Q: Est que le prix du passage joue un rôle ? Quels sont les tarifs ?
R : "Les passeurs adaptent leur prix, les Syriens sont considérés comme plus riches que les migrants africains de Libye. Pour ces derniers le prix peut descendre à 500 dollars, pour les Syriens en Turquie les prix varient de 1.500 à 8.000 dollars.
Les trafiquants regardent leurs vêtements, les bijoux qu'ils ont, d'où ils viennent en Syrie et quel était leur métier".
Q : Pour la route depuis la Libye vers l'Italie vous avez noté une augmentation du nombre de migrants africains, pourquoi ?
R : "Il y a eu pour le moment 102.000 arrivées. Sur toute l'année dernière il y en avait eu 170.000 par cette route, on est dans le même ordre de grandeur mais il y a beaucoup moins de Syriens, 8.000 contre 40.000 en 2014 à l'été. Il y a plus d'Africains.
Ils arrivent maintenant du Mali, du Sénégal, du Togo et de Côte d'Ivoire. Nous n'avons pas connaissance d'urgences humanitaires dans ces pays qui pousseraient les gens à partir. Ils croient qu'il est plus facile d'aller en Europe en ce moment par la Libye. Qui sait combien de temps cela va durer ?"
Propos recueillis par Nina Larson
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