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Irlande: le mariage gay contraint l'Eglise catholique à l'introspection

 
 

Dimanche était jour de messe et d'examen de conscience pour l'Eglise catholique irlandaise, hier si puissante mais aujourd'hui désavouée par l'ample victoire du oui au référendum sur le mariage homosexuel, une "révolution culturelle" qu'elle n'a pas vue venir.

Vingt-deux ans après la dépénalisation de l'homosexualité en Irlande, le oui au mariage gay l'a emporté largement avec 62% des voix, selon les résultats publiés samedi.

Ce résultat, qui fait de l'Irlande le premier pays à autoriser cette union par voie référendaire, parachève des semaines de débats passionnés, reflétant les interrogations des Irlandais quant à la place de l'Eglise dans leur vie quotidienne.

Entre l'accession à l'indépendance de la République d'Irlande en 1922 et le début des années 1980, l'Eglise disposait d'une influence considérable. Elle était l'acteur incontournable de la société irlandaise, note le chercheur Paul Vallely dans The Independent.

"Elle façonnait la politique du gouvernement, publiquement en faisant pression sur lui, mais aussi via des consultations clandestines", ajoute-t-il. "Pendant des décennies, son autorité morale est restée incontestée".

Mais l'époque où sa parole avait force de loi est révolue. Si, en 2015, l'Irlande reste un des pays les plus catholiques d'Europe, l'Eglise a perdu son emprise sur la société, faute d'avoir pu anticiper ses mutations socio-économiques, et parce qu'elle s'est arc-boutée sur des positions ultra-conservatrices.

- L'Eglise doit 'ouvrir les yeux' -

"Hier, l'Irlande est officiellement sortie de l'ombre de l'Eglise catholique pour exprimer tout l'amour et le respect qu'elle éprouve envers ceux qui ont souffert pendant des siècles", écrivait dimanche le journal Irish Sun on Sunday, dont la une affichait le mot "Fierté" avec une photo des partisans du oui au mariage gay.

"L'Irlande a cessé d'être dirigée par l'Eglise catholique", a estimé de son côté Panti Bliss, une drag queen, star en Irlande. "Mais cela fait longtemps que l'Irlande a changé, et le référendum n'en est que la confirmation".

L'Eglise paie aussi le prix de sa gestion calamiteuse du scandale des prêtres pédophiles, parfois protégés par des responsables du clergé. Ces agressions, révélées dans les années 2000, auraient concerné sur plusieurs décennies 14.500 enfants.

"L'autodestruction de l'Eglise a été spectaculaire. Les révélations sur l'ampleur des agressions sexuelles commises par les prêtres prédateurs ont sapé l'autorité" de l'institution religieuse, souligne Paul Vallely.

Pour l'archevêque de Dublin, Diarmuid Martin, l'un des responsables religieux les plus influents en Irlande, l'Eglise doit désormais "ouvrir les yeux", "trouver un nouveau langage".

Ce partisan du non au mariage gay ne s'en est pas moins "réjoui" du bonheur "que les gays et lesbiennes doivent ressentir en ce jour", reconnaissant que l'Eglise n'avait "pas toujours été respectueuse" des aspirations de tout un chacun.

- Référendum sur l'avortement? -

"Peut-être que les membres de l'Eglise n'ont pas compris" les implications du mariage homosexuel, a dit l'archevêque. "C'est une révolution culturelle qui est en marche (...) La plupart des jeunes gens qui ont voté +oui+ sont le produit de notre système scolaire catholique".

"Trouver la manière de faire passer notre message, voilà désormais l'immense défi qui nous attend", a-t-il ajouté, semblant s'inscrire dans l'esprit d'ouverture que promeut le pape François.

Ce dernier, tout en affirmant son opposition au mariage homosexuel, avait déclaré en 2013: "Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger?".

A Rome, la situation irlandaise pourrait être évoquée lundi lors d'une réunion d'évêques sur les thèmes du prochain synode sur la famille, comme les divorcés et les homosexuels.

Après la victoire du oui au mariage homosexuel, certains responsables irlandais aspirent désormais à faire tomber un des derniers bastions conservateurs en Irlande, là-aussi ardemment défendu par l'Eglise: l'avortement, interdit par le 8e amendement de la Constitution, sauf lorsque la vie de la mère est en danger.

"Nous nous sommes engagés à inclure l'abrogation du 8e amendement dans notre programme et nous espérons que les gens nous rééliront pour que nous puissions le faire", après les législatives de 2016, a déclaré Brendan Howlin, ministre des dépenses publiques et membre du Labour irlandais, partenaire du Fine Gael (centre-droit) au sein de la coalition gouvernementale.


 

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