Sous ses airs discrets et juvéniles, il cache un tempérament de négociateur redoutable: John Elkann, 44 ans, patron du constructeur automobile italo-américain Fiat Chrysler, a claqué la porte à deux reprises avant de sceller un contrat de mariage avec le groupe français PSA. L'héritier de la famille Agnelli assurera la présidence du conseil d'administration du futur ensemble, Stellantis, aux côtés de Carlos Tavares, président du directoire de PSA, qui en deviendra le directeur général.
John Elkann ne compte pas jouer les figurants: "Il ne sera pas juste un président honorifique, mais un président opérationnel", a assuré à l'AFP une source proche du dossier. "En tant qu'actionnaire majoritaire de Fiat, il a joué un rôle crucial dans les négociations sur la fusion", selon la même source.
Les documents boursiers de la fusion ne laissent aucun doute: en mai 2019, John Elkann fausse compagnie à PSA pour courtiser le constructeur concurrent Renault qu'il délaisse finalement face à la frilosité de l'Etat français. Puis, il coupe à nouveau court aux négociations avec PSA en août 2019 pour préserver les intérêts des actionnaires de Fiat.
D'apparence timide et peu disert, le petit-fils de Gianni Agnelli a toujours préféré l'ombre aux feux de la rampe, aux antipodes de son frère cadet Lapo connu pour ses frasques. Cheveux bruns bouclés, longiligne, la voix posée, costume-cravate sobre, John Elkann a un profil international. Né à New York en 1976, il a grandi au Royaume-Uni et au Brésil, puis passé son bac à Paris, au lycée Victor Duruy. Mais c'est à Turin, berceau de la famille, qu'il a fait ses études d'ingénieur à l'Ecole polytechnique, avant d'intégrer le groupe.
Après le décès soudain à l'été 2018 de Sergio Marchionne, l'emblématique patron de Fiat devenu son mentor, il s'est retrouvé seul pilote à bord.
"Tu nous as tous appris à penser différemment, à avoir le courage de changer et d'agir. A ne pas avoir peur", déclarait-il lors des funérailles, la voix brisée par l'émotion. "Il est réservé, mais très déterminé quand il s'agit d'imposer ses points de vue. Depuis qu'il est sorti de l'ombre de Sergio Marchionne, il s'est affirmé comme dirigeant d'entreprise. Il a réussi à faire fructifier l'héritage des Agnelli", commente à l'AFP Giuseppe Berta, ancien directeur des archives de Fiat.
Alors qu'il a seulement 21 ans, son flamboyant grand-père, Giovanni (dit Gianni) Agnelli, le désigne comme son successeur à la tête de Fiat.
Fils de l'écrivain et journaliste franco-italien Alain Elkann, et de Margherita Agnelli, fille de Gianni, le jeune homme n'était pourtant pas destiné à de telles responsabilités.
Mais la mort précoce en 1997 de son cousin Giovanni Alberto Agnelli, que son grand-père avait choisi comme son dauphin, bouleverse son destin.
Gianni fait entrer au conseil d'administration de Fiat le jeune "Jaki" (surnom de John), qu'il a initié au goût du risque et de l'effort, lors d'équipées sportives en mer ou en montagne. "Jaki" part en stage ouvrier chez Magneti Marelli en Angleterre, sur les chaînes de montage des "Cinquecento" à Tichy en Pologne, et enfile même le costume de vendeur dans une succursale du nord de la France, à Lille.
La mort de Gianni Agnelli en 2003 et du frère de ce dernier, Umberto, un an plus tard, précipite sa carrière.
Luca Cordero di Montezemolo devient président du groupe et le nomme numéro 2, alors que Fiat est aux abois, multipliant les pertes.
En 2010, il prend la présidence du constructeur que M. Marchionne s'est employé à redresser puis à allier à Chrysler en 2009.
Il transforme l'entreprise symbole de l'Italie en multinationale, ce qui lui a valu le surnom de "Jaki le conquérant" dans la presse locale.
Son secret? "J'ai la chance d'avoir un caractère équilibré", dit ce père de trois enfants, amateur de foot et de voile.
John Elkann gère le patrimoine des Agnelli en tant que PDG d'Exor, la holding familiale qui possède, entre autres fleurons, le club de football de la Juventus, Ferrari et plusieurs médias, dont The Economist.
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