Les débats commencent ce matin au tribunal civil de Bruxelles. L'Europe a traduit en justice la société pharmaceutique britannique pour non respect du contrat signé entre les 2 protagonistes, et portant sur des livraisons de doses de vaccins.
La bataille entre l'Union européenne et AstraZeneca descend dans l'arène judiciaire mercredi pour une audience devant un tribunal belge consacrée à la présumée violation des obligations du laboratoire qui n'a pas livré les quantités de vaccins anti-Covid promises aux Vingt-Sept.
Les avocats des deux parties doivent plaider à partir de 9h devant un juge des référés du tribunal de première instance de Bruxelles. Une autre audience aura lieu si nécessaire vendredi, selon le tribunal.
Le 26 avril, la Commission européenne, qui a négocié les commandes au nom des Etats membres, avait annoncé avoir saisi la justice pour arbitrer le conflit l'opposant au laboratoire anglo-suédois, qui fournit un des quatre vaccins anti-Covid aujourd'hui homologués dans l'UE.
"Ce qui nous importe dans cette affaire, c'est de nous assurer qu'il y ait une livraison rapide d'un nombre suffisant de doses auxquelles les citoyens européens ont droit", avait alors justifié un porte-parole de la Commission devant les médias.
Dans un premier temps, devant un juge saisi en urgence (le contrat signé est de droit belge), les 27 pays membres réclament de recevoir les doses promises pour le premier trimestre 2021. L'échéance du contrat a été fixée à mi-juin, selon la Commission. L'UE estime que le laboratoire devra s'acquitter de pénalités financières s'il ne respecte pas ce calendrier.
AstraZeneca n'a livré au premier trimestre que 30 millions de doses sur les 120 millions qu'il était tenu contractuellement de fournir. Pour le trimestre en cours, le second, il ne prévoit de livrer que 70 millions sur les 180 millions initialement promises.
Un responsable de la Commission proche du dossier a indiqué récemment qu'AstraZeneca ne livrait pour l'heure qu'une moyenne de 10 millions de doses par mois, soit très en-deçà du rythme prévu.
Le groupe dément avoir manqué à ses obligations. Dès fin avril, il a dénoncé une procédure "sans fondement".
Défiance tenace
"Si on regarde le verre à moitié plein, nous avons livré plus de 400 millions de doses (au niveau mondial) et sauvé des dizaines de milliers de vies", s'est défendu ce week-end dans le Financial Times le patron d'AstraZeneca, le Franco-Australien Pascal Soriot.
Derrière le litige sur la lenteur des livraisons, s'en profile un autre sur les priorités d'approvisionnement.
Les Européens reprochent au géant pharmaceutique --associé à l'université d'Oxford dans l'élaboration de son sérum-- de n'avoir pas utilisé pour livrer l'UE ses deux usines britanniques, mentionnées dans le contrat, privilégiant le Royaume-Uni avec cette production. AstraZeneca travaille avec deux autres sites, aux Pays-Bas et Belgique.
Autre argument invoqué par Bruxelles, des fonds européens ont été engagés pour le développement du vaccin et le renforcement des capacités industrielles du laboratoire.
Me Rafaël Jafferali, un des avocats de la Commission, a accusé AstraZeneca d'avoir "violé de nombreuses obligations au titre du contrat de précommandes". "Cela touche à la production comme à la livraison des vaccins", a-t-il assuré.
"Il n'y a pas d'obligation d'utiliser des sites (de production): c'est peut-être ce que la Commission souhaite, mais ce n'est pas prévu dans le contrat", a répliqué Me Hakim Boularbah, avocat d'AstraZeneca, à l'occasion d'une audience de procédure le 28 avril.
La décision du juge des référés devrait être rendue d'ici quelques jours.
Selon un porte-parole de la Commission, le débat sur la violation ou non du contrat de précommandes des vaccins fera l'objet d'une audience sur le fond devant le tribunal de Bruxelles, après le règlement en urgence de la question des livraisons.
Ce rendez-vous judiciaire a lieu au moment où le vaccin AstraZeneca doit faire face à une défiance tenace dans le grand public en raison de très rares cas de thromboses qu'il peut provoquer.
Dans l'UE, le Danemark, dès avril, puis la Norvège et l'Autriche ont renoncé à l'utiliser pour leurs campagnes de vaccination. La plupart des autres pays ont restreint son administration aux adultes les plus âgés. C'est le cas de la France où il est réservé aux 55 ans et plus.
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