"Je suis sortie hier courir toute seule et j'ai vu un vieux monsieur, je me suis arrêtée loin de lui, pour lui, pas pour moi", raconte Claudia, 18 ans. Comme la plupart de leurs compatriotes, les jeunes Italiens se plient aux consignes de précaution. Mais leur mode de vie est chamboulé par le confinement ordonné par leur gouvernement depuis le 8 mars pour tenter d'endiguer la pandémie de coronavirus, qui les prive de vie sociale: écoles et universités sont fermées, tout comme les bars, les discothèques, les salles de sport ou de danse. Dans les rues, la police est déployée en nombre pour s'assurer notamment qu'il n'y a pas de rassemblement, que les passants ou les personnes promenant leur chien ou faisant de l'exercice dehors, comme c'est autorisé en Italie, restent à distance réglementaire d'un mètre.
Au début, je ne me rendais pas compte, je sous-estimais le problème
Claudia, lycéenne romaine de 18 ans, fait partie de ces jeunes Italiens acceptant désormais les restrictions sans difficulté particulière. Mais "sincèrement, au début, je ne me rendais pas compte, je sous-estimais le problème mais quand le gouvernement a pris ces mesures, j'ai paniqué, j'ai compris combien j'ai été stupide", admet-elle volontiers. Face à "une situation très restrictive où tu te sens privée de tout", Claudia s'est organisée avec ses enseignants: les cours du lycée mais aussi ses leçons de danse se déroulent via Skype.
J'ai peur des contrôles de police, je ne sais pas comment je pourrais expliquer ma présence dans la rue
Luka, un étudiant de 19 ans, a vécu une expérience similaire: "Au début j'étais assez tranquille, ma seule préoccupation était de ne pas contaminer ma grand-mère mais maintenant ça semble plus grave, je suis plus inquiet, surtout quand je pense à combien de temps tout cela peut durer". Il respecte aussi les consignes du gouvernement même s'il se pose des questions: "Hier je suis sorti seulement pour acheter un livre pour l'université, aujourd'hui zéro sortie. Mais je me demande quel est le sens de tout cela. Moi je reste à la maison mais ma mère travaille avec trente personnes, puis va faire la queue au supermarché, puis rentre à la maison. Pour moi, cela n'a aucun sens!" Et de reconnaître: "Peut-être que je sortirai voir un ami mais j'ai peur des contrôles de police, je ne sais pas comment je pourrais expliquer ma présence dans la rue."
Selon le Laboratorio Adolescenza, une association qui mène des recherches sur les jeunes, 86% des adolescents ayant répondu à un questionnaire en ligne estiment que les consignes édictées par le gouvernement sont justifiées. Twitter pullule de témoignages de jeunes. "Quelle que soit la personne qui a inventé les écouteurs, un grand merci de tout mon coeur", écrit @debbicornia. "Je reste à la maison mais c'est une torture".
"Ma fille, 18 ans, depuis des jours à la maison, reçoit un appel téléphonique et je l'entends dire (à une connaissance): Mais tu n'as pas entendu les indications, on ne doit pas se rassembler", raconte sur Twitter @LapostrofoAura.
"Et tout de suite après: si tu penses que la vie de nos grands-parents vaut moins que la tienne, nous n'avons plus rien à nous dire et elle raccroche", poursuit la mère en concluant: "J'ai une estime immense pour elle".
Gianpaolo, étudiant de 19 ans lui aussi à Rome, est devenu plus sage: "Hier je suis sorti faire une petite promenade en scooter, je me suis donné l'excuse de voir ma petite copine. Aujourd'hui, nous nous sommes dit au téléphone que finalement on ne pourra pas se voir pendant un bon bout de temps". Nombre de ses amis se sont résignés à ne plus voir leurs petites amies "jusqu'à la fin du mois" et désormais ils passent leur temps essentiellement à jouer en ligne sur leur console.
"Il y a un an, personne n'y jouait plus et j'ai pensé bien faire en vendant la mienne. Maintenant je me retrouve comme un couillon et je combats l'ennui en étudiant un peu, le matin, et en regardant la télé", regrette Gianpaolo.
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