Un nombre record de migrants sont encore arrivés dimanche en Allemagne sous les vivats et les chants, au terme d'un périple semé d'embuches à travers l'Europe, Berlin et Vienne prévenant cependant que la situation devait rester "temporaire" et exceptionnelle.
La police allemande avait recensé en fin d'après-midi 14.000 nouveaux arrivants venus d'Autriche sur l'ensemble du week-end, dont une majorité de Syriens fuyant la guerre, et en attendait 3.000 de plus dimanche soir.
Bloqués en Hongrie dans des conditions chaotiques, après avoir traversé la Méditerranée puis les Balkans, ces demandeurs d'asile ont transité par l'Autriche avant d'affluer dans les gares allemandes, partout accueillis par des pancartes "Bienvenue!".
"Les gens nous traitent tellement bien ici, ils nous traitent comme des êtres humains, ce n'est pas comme en Syrie", confiait à Munich (sud) Mohammad, un réfugié de 32 ans de la ville syrienne dévastée de Qousseir, les larmes aux yeux.
Toute la journée, les quais de la gare bavaroise ont reçu des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants épuisés par leur périple, aussitôt dirigés vers des tables chargées de vêtements et nourriture puis emmenés, par bus, vers les centres de premier accueil.
Débarqués d'un wagon, deux garçons de 7 ou 8 ans, torse bombé et visage illuminé d'un large sourire, fendaient la foule au milieu des applaudissements. Un peu plus tôt, une femme avait glissé à une famille syrienne un sac rempli de chocolats, de jouets et d'"un peu d'argent".
A Francfort (ouest), dans la nuit de samedi à dimanche, chaque train était salué par des vivats, pendant qu'un comité d'accueil fourni chantait "Voilà la solidarité internationale !" ou "Dites-le haut et fort, les réfugiés sont les bienvenus ici !".
- L'Autriche, terre de transit -
Lara Sabbagh, bénévole venue comme traductrice, devait même écarter les badauds souhaitant immortaliser la scène. Les réfugiés "ont peur (...) Ils m'ont demandé: +Que font ces gens ? Que veulent-ils ?+ Ils n'ont pas compris qu'ils étaient venus les accueillir", expliquait-elle.
Alors que l'Europe, divisée, connaît une de ses pires crises migratoires depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'Allemagne a assoupli ses règles d'accueil pour les ressortissants syriens, renonçant à les renvoyer vers leur point d'entrée en Europe.
En concertation avec Berlin, l'Autriche a de son côté accepté dans la nuit de vendredi à samedi d'accueillir et transférer vers l'Allemagne les milliers de migrants coincés en Hongrie, qui a vu affluer quelque 50.000 personnes pour le seul mois d'août.
Mais cette décision ne peut être que "temporaire", a prévenu dimanche le chancelier autrichien Werner Faymann.
Au téléphone samedi, la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre hongrois Viktor Orban ont de même convenu que les deux pays devaient "respecter leurs obligations européennes" et que le flux observé ce week-end était exceptionnel.
Sur les 15.000 personnes arrivées en Autriche ces dernières 48 heures, seules 90 y ont déposé une demande d'asile, a indiqué le ministère autrichien de l'Intérieur dimanche soir, donnant la mesure de l'attrait qu'exerce la première puissance européenne.
En Hongrie, le trafic ferroviaire a été pleinement rétabli dimanche pour les réfugiés, qui ne sont plus contraints d'arpenter à pied routes et autoroutes vers l'Autriche.
En Méditerranée aussi, les arrivées par centaines en provenance des côtes turques proches se poursuivent à un rythme soutenu sur les îles grecques d'Egée orientale. Des renforts policiers et l'armée ont dû être mobilisés dimanche sur l'île égéenne de Lesbos, où deux attaques au cocktail Molotov ont visé des Syriens dans la nuit.
- 'Forteresse chrétienne' -
Les initiatives solidaires se sont multipliées en Europe, alors que le calvaire de 71 migrants morts étouffés dans un camion en Autriche, puis les images du petit Aylan échoué sur une plage turque, ont déclenché une vague d'émotion populaire et poussé certains dirigeants à changer de discours.
A Vienne, un convoi d'une cinquantaine de voitures particulières est parti à la mi-journée à la suite d'un appel sur les réseaux sociaux pour tenter d'acheminer des migrants depuis la Hongrie.
Le pape François a, de son côté, souhaité dimanche que "chaque paroisse, chaque communauté religieuse, chaque monastère, chaque sanctuaire d'Europe accueille une famille", à l'occasion de la prière de l'Angélus au Vatican. Il a proposé que les deux paroisses du Vatican commencent cet élan de solidarité chrétienne.
En revanche, le Premier ministre turc, Ahmed Davutoglu, a fustigé l'Europe comme "une forteresse chrétienne", vu le faible nombre de réfugiés accueillis alors que la Turquie en a accepté deux millions en provenance de Syrie et d'Irak.
A Vienne, le chancelier autrichien a appelé à un sommet européen exceptionnel "immédiatement après" la réunion des ministres de l'Intérieur des 28 prévue le 14 septembre.
De son côté, le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) a demandé la répartition d'au moins 200.000 demandeurs d'asile dans l'UE, alors que la Commission européenne va proposer la semaine prochaine la répartition de 120.000 réfugiés.
Lors d'une manifestation pro-réfugiés de milliers de personnes à Stockholm, le Premier ministre suédois Stefan Löfven s'est rallié dimanche à l'idée d'un système de quotas "permanent et obligatoire".
De même le chef du gouvernement italien Matteo Renzi lançait à Milan : "Il faut des règles, on ne peut pas accueillir tout le monde, mais rien ne nous arrêtera jamais d'essayer de sauver une vie humaine à chaque fois que c'est possible".
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