Un suspect a reconnu dimanche avoir tué deux adolescentes qu'il avait séquestrées, selon son avocat et les procureurs, une affaire sordide qui a choqué la Roumanie et mis en lumière de graves failles au sein de la police, dont le chef a été limogé.
Gheorghe Dinca, un mécanicien de 65 ans de Caracal (sud), a été arrêté samedi et placé en détention provisoire pour 30 jours, en lien avec la disparition mercredi d'une fille de 15 ans, Alexandra, que les policiers n'ont pas réussi à secourir malgré des éléments qui auraient dû les conduire au suspect.
Après avoir obstinément refusé de répondre aux questions des enquêteurs pendant plus de 24 heures, ce dernier "a reconnu les faits. Il s'agit de deux adolescentes", a déclaré aux journalistes son avocat, Alexandru Bogdan.
"Gheorghe Dinca a été inculpé de meurtre. Il est soupçonné d'avoir tué (Alexandra, ndlr), aprés l'avoir enlevée et violée", a pour sa part dit Georgiana Hosu, du Parquet de lutte contre la criminalité organisée (DIICOT), chargé de cette enquête.
"Nous avons des indices selon lesquels les faits se sont produits de la même manière dans le cas de la deuxième victime", a-t-elle ajouté, précisant que l'interrogatoire se poursuivait.
Selon elle, Alexandra a été tuée jeudi à midi, peu après avoir été surprise par l'agresseur en train d'appeler la police. "Mais, à mon avis, l'intention de ce dernier avait été dès le début de la tuer", a affirmé Mme Hosu, ajoutant que son corps avait été incinéré. Des restes humains calcinés, dont des dents, ainsi que des bijoux ont été retrouvés dans un fût en tôle derrière la maison du suspect.
Depuis les premières fouilles de la maison et du jardin de cet homme solide aux yeux bleus, des dizaines de personnes se sont massées devant son domicile, accusant les policiers d'"incompétence".
La colère est montée d'un cran lorsqu'un couple a raconté avoir signalé en avril la disparition dans la même région de leur fille de 19 ans, Luiza. La police avait rechigné à ouvrir une enquête, suggérant qu'elle avait sans doute fait une fugue "au bras d'un prince charmant", a raconté la famille.
Selon l'avocat, Luiza serait la deuxième victime du suspect.
"Mon client a affirmé que les deux adolescentes l'avaient accompagné de leur plein gré mais dans les deux cas, un conflit avait éclaté peu après et il les avait frappées, les coups ayant entraîné leur mort", a ajouté l'avocat.
- Bourdes -
Cette affaire a coûté leur poste au chef de la police roumaine, à trois responsables de la police locale ainsi qu'au préfet du département d'Olt, accusés de plusieurs bourdes dans l'enquête sur la disparition d'Alexandra.
Celle-ci, qui faisait du stop pour rentrer chez elle, à Dobrosloveni (sud), avait été enlevée mercredi par le suspect, selon la police.
Jeudi matin, elle était parvenue à appeler trois fois le numéro d'urgence 112 et avait donné aux policiers des indices sur le lieu où elle était séquestrée.
"Il arrive, il arrive", avait-elle crié, avant que la communication ne s'interrompe, avait confié aux journalistes le chef de la police Ioan Buda, limogé depuis.
Après avoir effectué des perquisitions à trois adresses erronées, les policiers ont localisé la maison décrite par l'adolescente, plus de douze heures après ses appels.
Ils ont ensuite demandé un mandat de perquisition et attendu l'aube avant d'entrer dans ce logement, invoquant des contraintes légales, alors qu'il s'agissait d'une urgence ne rendant pas ces précautions nécessaires. Dix-neuf heures s'étaient écoulées depuis la dernière communication avec Alexandra.
- "Assassins" -
Aux cris d'"Assassins !" et d'"Incompétents !", plusieurs milliers de Roumains ont manifesté samedi soir à Bucarest, déposant des fleurs et des bougies devant le siège du ministère de l'Intérieur.
"Pourquoi la police n'est-elle pas intervenue ? Tout le monde doit répondre, des simples policiers et des procureurs jusqu'à (la Première ministre Viorica, ndlr) Dancila", a dit à l'AFP Cristian Nan, un habitant de Bucarest âgé de 55 ans.
"Le gouvernement devrait se demander s'il n'était pas l'auteur moral de cette tragédie", a estimé dimanche soir le président de centre droit Klaus Iohannis, accusant la majorité de gauche d'avoir voté des lois destinées à "protéger les délinquants", dans le cadre d'une réforme controversée de la Justice décriée par Bruxelles.
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