Le missile jaillit de son tube et bondit vers le ciel. Une dizaine de secondes plus tard, la cible volante est désintégrée: l'armée française a testé mardi avec succès la future version de son missile anti-aérien, qui doit pouvoir intercepter certains missiles balistiques ou hypersoniques.
Baptisé "opération Mercure", l'essai mené au centre d'essais de la Direction générale de l'armement (DGA) à Biscarosse (Landes, sud-ouest) est le "premier tir de développement de ce que sera le futur missile Aster", explique la directrice du centre, l'ingénieure de l'armement Corinne Lopez.
Le missile Aster 30 B1NT (nouvelle technologie), qui doit entrer en service en 2026, aura la capacité d'atteindre une cible volant à 25.000 mètres d'altitude à 150 kilomètres à la ronde, selon son concepteur, le fabricant de missiles européen MBDA.
Outre les avions, il aura la capacité d'intercepter des missiles balistiques de moyenne portée, du type de ceux tirés la semaine passée par l'Iran contre Israël, ainsi que les missiles dits hypersoniques, volant à plus de Mach 5 (6.000 km/h).
Pour l'heure, l'exercice se joue avec deux cibles orange volant à près de 900 km/h au-dessus de l'océan Atlantique à 6.000 mètres d'altitude, à une vingtaine de kilomètres de la côte.
Il en faudra plusieurs autres avant que le missile et son système de défense sol-air de moyenne portée (SAMP/T NG, sol-air moyenne portée terrestre de nouvelle génération) entrent en service.
"5, 4, 3, 2, 1... Tir autorisé", énonce l'officier de conduite d'essai dans la salle d'opérations bardée d'écrans d'où sont surveillées et recueillies les données radar, optique ou de télémesures.
En bord de mer, une batterie de défense sol-air, tubes de lancement pointés à la verticale, déclenche le tir. "A tous, la cible a été touchée", annonce peu après l'officier sous les applaudissements du ministre des Armées Sébastien Lecornu et de plusieurs parlementaires.
"C'était la première épreuve d'un programme qui est absolument clé (...) un beau succès sur la discrimination de cibles", salue M. Lecornu. Doté d'un nouvel autodirecteur, sorte de petit radar situé dans sa tête, le missile a en effet su faire la différence entre ce qui lui était présenté comme l'aéronef ami et l'autre ennemi.
- Espoirs commerciaux -
La France est engagée dans un renforcement de sa défense sol-air, domaine délaissé depuis la fin de la Guerre froide. Elle prévoit d'y consacrer 5 milliards d'euros d'ici 2030 et a déjà commandé 8 systèmes SAMP/T de nouvelle génération, qui avec les nouveaux Aster comprendra un nouveau radar et un nouveau système de conduite de tir. Elle doit en commander quatre autres dans les années à venir.
L'Italie, avec qui le programme a été lancé en 2021, doit de son côté se doter de 10 de ces systèmes. Les missiles Aster 30 B1NT équiperont également les frégates françaises et italiennes, ainsi que les pays qui achètent ces navires auprès des deux pays, tout comme certains bâtiments britanniques.
"Les frappes iraniennes sur Israël montrent bien à quel point les menaces balistiques à longue portée sont malheureusement devant nous. La France doit être prête", juge le ministre.
Alors que le système SAMP/T n'a jamais trouvé preneur à l'export, hormis une batterie donnée à l'Ukraine pour l'aider à défendre son ciel face aux bombardements russes, le ministre espère de futurs succès commerciaux, alors que de nombreux pays européens ont opté pour le Patriot américain.
Il s'agit pour Paris et Rome d'offrir une alternative au projet de "bouclier du ciel européen" (ESSI) lancé par l'Allemagne et auquel se sont joints une vingtaine de pays. Celui-ci entend s'appuyer sur les systèmes anti-aériens Iris-T allemand pour la défense sol-air courte portée, Patriot américain pour la moyenne portée et américano-israélien Arrow-3 pour la longue portée.
Avec le futur missile Aster, espère Sébastien Lecornu, "on est en train d'avoir un saut technologique suffisamment fort pour permettre à une partie de l'Europe d'acheter franco-italien et d'avoir une solution complètement souveraine", à 100% européenne.
Vos commentaires