"Deux vins chauds, s'il vous plaît !": après deux jours de fermeture, le marché de Noël de Strasbourg, où s'est déroulé le parcours meurtrier de Chérif Chekatt mardi soir, se réanime doucement entre soulagement et envie de montrer "qu'il ne faut pas avoir peur". "Bravo !", s'exclament quelques passants et commerçants à l'arrivée de Christophe Castaner, venu saluer vendredi matin les commerçants et les forces de l'ordre, nombreuses pour la réouverture de ce célèbre marché, qui accueille deux millions de visiteurs par an.
"J'ai entendu du soulagement, du bonheur, de la fierté pour nos forces de police", énumère le ministre de l'Intérieur, en disant avoir "voulu montrer que toujours nous savons redresser la tête". À son passage, les hauts-parleurs du manège pour enfants diffusent "La Marseillaise" : "Une décision des commerçants de la place", explique le gérant. "Les gens sortent, ils ont l'air rassurés, ils ont envie que ça continue", dit-il.
Les allées de cabanons de la place Broglie, restées désertes depuis mardi soir, se remplissent peu à peu. Mais la traque de l'assaillant, qui a fait trois morts et treize blessés au coeur du marché de Noël avant d'être abattu par la police jeudi soir, est sur toutes les lèvres. "Ces derniers jours, on était craintifs, un peu stressés, on se demandait s'ils allaient l'attraper", dit Françoise dans le cabanon dans lequel elle travaille depuis 35 ans, devant ses grandes casseroles de choucroute et de spaetzle (pâtes alsaciennes).
"Il faut montrer aux gens qu'il ne faut pas avoir peur, que la vie continue", dit Francis, un Strasbourgeois venu soutenir "les forces de l'ordre et les commerçants". "Ça aurait été dommage de pas en profiter", sourit sa tante, arrivée il y a quelques jours de Loire-Atlantique, spécialement pour le marché.
Une sécurité renforcée
Entre les chants de Noël et les guirlandes des cabanons rallumées, l'odeur de vin chaud se répand dans les allées : "Il est très bon, on sent bien la cannelle", savoure Philippe, un gobelet à la main.
Avec sa femme, il déambule entre les étals de pains d'épices, bretzels, confiseries, décorations de Noël. "Ça fait drôle quand même", dit son épouse Marie-France en regardant autour d'elle. "C'est calme, c'est assez silencieux. D'habitude, on marche vraiment les uns derrière les autres". Derrière son comptoir et malgré les quatre, cinq clients qui observent ses différentes marmites de vin chaud, une commerçante confirme... "On a des temps de pause. D'habitude, ça ne s'arrête pas".
Jean-Paul, vendeur de chocolats et confiseries, trouve, lui, que "le public est au rendez-vous" : "Je m'attendais à ce que ce soit désert", avoue-t-il. Au coin de son cabanon, un militaire de Sentinelle monte la garde, devant une pancarte rouge vantant le "pain d'épices d'Alsace". Les forces de l'ordre sont encore omniprésentes, sur la place Broglie comme ailleurs dans le centre-ville.
Une réduction du nombre de points d'accès à la "Grande-Ile"
Les autorités ont annoncé des mesures de sécurité renforcées sur le marché, qui se tient jusqu'au 30 décembre. Il ouvre de 11H00 à 20H00 même le week-end, mais avec une réduction du nombre de points d'accès à la "Grande-Ile" du centre-ville, où les agents de sécurité demandaient vendredi aux passants d'ouvrir leurs manteaux, en plus de leurs sacs. Quant aux stations de tramway du centre historique, elles sont toutes fermées pendant les heures d'ouverture du marché.
Alors que des associations d'acteurs économiques s'étaient montrées alarmistes sur les conséquences d'une fermeture prolongée du marché, les commerçants, comme Françoise, balaient vendredi la question des retombées économiques : "On verra bien. Il y a des morts, on n'a pas pensé à ça".
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