Confinés à la ferme pour certains, dans un appartement en ville pour d'autres, ils font partie des personnes à risque en raison de leur âge face à une épidémie qui a fauché des dizaines de milliers de vies dans le monde.
"Je n'ai pas peur, même si c'est étrange, ce virus. Dans une guerre, on sait qu'il y a des combats, des bombes, on sait d'où vient le danger, il a une présence physique; là, on ne sait pas, on peut être contaminé en allant faire ses courses, en parlant à quelqu'un, même un proche", témoigne Bernadette Barateig, 84 ans, qui habite seule à la campagne près d'Arles (Bouches-du-Rhône).
Elle avait neuf ans quand la Deuxième Guerre mondiale s'est terminée. Même si le village du Sud-Ouest où elle vivait alors n'a été pas été au coeur des combats, elle se souvient d'une peur diffuse, de soldats allemands entrant pour exiger les rares vivres de la maison.
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"C'était dur de trouver de quoi manger; on était une famille nombreuse et mes parents avaient accueilli des réfugiés qui avaient fui d'autres régions. Pour se remplir le ventre, on mangeait souvent des simples galettes de farine et d'eau".
J'entendais les balles siffler
"Mais nous les enfants, on trouvait ça délicieux et d'autres ont tellement plus souffert que nous" dans cette guerre où des millions de personnes furent exterminées, se rappelle-t-elle.
"Aujourd'hui, le mot 'guerre' a été employé probablement pour faire comprendre la gravité de la situation, mais c'est très différent", ajoute-t-elle.
Si le président de la République Emmanuel Macron a martelé à plusieurs reprises que la France était en "guerre", Olga Michaudet, 88 ans, estime elle aussi que la situation qu'elle a vécue enfant "n'avait rien à voir avec maintenant".
Dans sa famille d'agriculteurs installée à quelques kilomètres seulement de la ligne de démarcation, "on raccommodait les chaussures à l'infini" et une pièce de tissu servait à fabriquer quatre robes pour enfants.
C'est quelque chose, ce virus, mais on ne manque de rien
"Surtout, il y avait un danger bien plus présent. Je gardais des vaches à côté d'une ferme où se cachaient des maquisards. Quand les Allemands les mitraillaient, j'entendais les balles siffler au-dessus des vaches, ça faisait peur".
"C'est quelque chose, ce virus, mais on ne manque de rien", souligne Olga en insistant sur l'importance de rester chez soi. "Un voisin m'apporte des courses, j'ai de la lecture, je parle aux gens par téléphone", ajoute cette femme vive qui habite seule dans sa ferme en Saône-et-Loire et continue de cultiver son potager.
Michel Bourgeat, né en 1936, vit le confinement seul dans une ferme isolée du massif des Cévennes (Gard). Il a demandé à son aide à domicile de ne plus venir pour la protéger et ses trois enfants vivent ailleurs.
"Je me débrouille sans problème en souhaitant pouvoir durer longtemps... Je fais face", dit cet homme au visage encadré d'une barbe blanche.
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Elle se souvient de la peur permanente face aux soldats
Pour lui qui faisait la liaison entre son grand-père et le chef d'un réseau de résistance "avec l'innocence d'un gamin de huit ans" en 1944, la guerre reste dans son souvenir "+beaucoup plus pire+" avec ses déplacements de population, ses bombardements.
"La guerre, ce sont des hommes contre d'autres hommes, la lutte contre le virus, c'est quelque chose de plus glorieux", lâche-t-il.
A Marseille, Jacqueline Thouvenin, petite dame de 94 ans toujours élégante avec ses cheveux gris attachés en chignon, pense aussi que "le microbe est angoissant, mais moins terrible que l'Occupation et les bombardements".
Adolescente durant la Deuxième Guerre mondiale, elle se souvient de la peur permanente face aux soldats, à la police, aux rafles. Et puis du bombardement dévastateur de Marseille par les Américains le 27 mai 1944, qui fit des centaines de morts. Elle avait 17 ans et perdit ce jour là son père et son amie Angèle.
Aujourd'hui, elle reste confinée dans son appartement. Son fils la ravitaille.
J'apprécie de pouvoir contempler le ciel, les arbres, les fleurs autour de moi
Tous éprouvent de la gratitude d'être chez eux et pas dans une maison de retraite, où les visites ont été interdites et où les morts se comptent par centaines. Ils puisent aussi un réconfort dans la nature qui "apporte beaucoup de joie" quand on la regarde "avec des yeux d'enfants", dit Michel.
"J'apprécie de pouvoir contempler le ciel, les arbres, les fleurs autour de moi, je me sens privilégiée", dit Bernadette en pensant aux gens confinés dans de petits appartements insalubres, sans balcon et qui a relancé ses dons aux ONG aidant les plus démunis.
A Marseille, Jacqueline a des moments d'angoisse, mais elle se réjouit des visites de créatures ailées, peu au fait du confinement... des "gabians", grosses mouettes qui atterrissent sur son balcon une fois par jour.
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