"Baguette, béret, bon sens": la proposition de slogan - finalement non-retenue - pour la campagne présidentielle de Jean Lassalle résume l'esprit d'un documentaire qui lui est consacré, "Un berger et deux perchés à l'Élysée?", en salle mercredi.
À candidat original, film décalé: le berger des Pyrénées, repéré par le grand public en 2003 lorsqu'il entonne un chant basque dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, puis par une grève de la faim entamé dans la salle des Quatre-colonnes du Palais Bourbon, se révèle sans surprise un truculent premier rôle qui enchaîne les sorties sur fond d'accent aux "r" roulants.
L'ex-compagnon de route politique de François Bayrou, devenu électron libre aux positions inclassables, a finalement séduit Pierre Carles et Philippe Lespinasse, deux documentaristes pourtant situés à la gauche de la gauche, notamment connus pour leur pamphlet d'il y a vingt ans, "Pas vu, pas pris".
Déprimés par la défaite annoncée de la gauche à la présidentielle de 2017, les deux néo-marxistes s'arrêtent finalement sur la candidature du Pyrénéen, selon eux "le candidat le moins à droite des candidats de droite", en qui ils croient voir l'équivalent français de l'ex-président équatorien Rafael Correa.
Pendant 1H40, leur film - qui devait au départ sortir avant le premier tour de la présidentielle - raconte cette campagne dans laquelle ils s'improvisent conseillers politiques et tentent de donner corps et souffle au "petit candidat" plus ou moins révolutionnaire.
"On est très bon. Le seul truc, c'est qu'on se sous-estime, mais on est très, très bon", a beau jurer un autre (vrai) conseiller de Jean Lassalle lors du marathon de l'hiver 2017, la campagne patine jusqu'à susciter les interrogations chez les réalisateurs auto-proclamés faiseur de roi.
D'abord fascinés par le personnage, filmé en train de débroussailler un pré de sa campagne dans une parfaite image d'Épinal d'élu de terrain attaché à la ruralité, les petites gens et les services publics, les deux documentaristes doutent peu à peu de leur poulain.
Avec humour, parfois à limite de l'absurde, le long-métrage montre la consternation de leurs proches gauchistes atterrés par leur lubie du Lassalle-président, avant que le candidat se rende en Syrie rencontrer Bachar al-Assad et adopte un discours à la limite du conspirationnisme.
Les accusations portées contre le candidat malheureux (1,21%), redevenu député, de comportement déplacé à l'endroit d'une collaboratrice, finissent d'abîmer la relation. Et renvoient l'aventure humaine et politique à une parenthèse finalement désenchantée.
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