(Belga) Face au "harcèlement quotidien" des migrants à Calais, Philippe Demeestère, prêtre jésuite de 72 ans, voulait "marquer un coup d'arrêt". L'aumônier du Secours catholique, qui a passé sa vie auprès des sans-abris, est en grève de la faim depuis 17 jours.
M. Demeestère doit rencontrer mercredi Didier Leschi, le patron de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), envoyé par le gouvernement pour une mission de médiation. L'homme est assis seul sur l'une des chaises en bois de l'importante église Saint-Pierre. En polaire, manteau et bonnet, il le répète, après plus de deux semaines de grève de la faim, il "va bien". "Question de décence", par "pudeur pour tous les gens dehors qui ne jouissent pas des conditions formidables que j'ai moi ici", soutient cet homme aux yeux clairs. "Je fais partie des riches même si je n'ai pas un sou en poche." Philippe Demeestère est arrivé à Calais en février 2016 quelques mois avant le démantèlement de "la grande Jungle". Ce fut pour lui un "lieu de renaissance". Dans cette ville frontalière, il vit d'abord dans un meublé puis rapidement dans une maison où il loge des exilés. "On a vécu plusieurs mois à 17 l'hiver dernier", se rappelle-t-il. Sous sa légère barbe blanche, il sourit: "Les rythmes de vie sont différents, ce sont des jeunes !" Depuis le début de sa grève de la faim, le 11 octobre, il dort sur un lit de camp dans l'église avec deux militants associatifs. En pleine campagne électorale "où la pression sur les exilés s'accentue", c'était pour lui "le bon moment" pour "marquer un coup d'arrêt", "dire +ça suffit+". "On fait des exilés un enjeu électoral et ici à Calais on s'habitue à l'intolérable. Il y a une routine des pratiques policières et les associations courent après les dommages que causent ces policiers", tance le retraité, à l'origine ces deux dernières années de l'ouverture de lieux d'accueil hivernaux pour les réfugiés. Il en est convaincu : "Les exilés sont une chance." En risquant "leur peau" pour changer de vie, "ils nous sortent de notre sujétion". C'est une personne "libre", un "intellectuel de terrain", "très généreux", décrit Juliette Delaplace, l'une de ses proches chargée de mission pour le Secours Catholique à Calais. "Entièrement mobilisé", "sans cesse auprès des plus précaires", Philippe Demeestère "a des valeurs profondes qu'il continue à cultiver", lisant beaucoup pour "réfléchir", "prendre du recul", "enrichir nos actions", ajoute-t-elle. Il a d'ailleurs apporté un sac de lectures en retard, mais il n'a eu le temps de relire qu'une douzaine de pages de "La Pédagogie des opprimés" de Paulo Freire. Né d'un père agent d'assurance et d'une mère au foyer, l'aumônier est le "petit dernier" d'une famille de trois. Il a grandi à Halluin, dans le Nord, à la frontière belge. "Je suis un privilégié. Je suis parti de chez moi les mains dans les poches et je savais que j'étais armé pour la vie, indépendamment de toute richesse financière. Je me considère éternellement débiteur de tout ce que j'ai reçu", témoigne le nordiste pas avare en digressions. Le 1er novembre, premier jour de la trêve hivernale, Philippe Demeestère "constatera" l'arrêt ou non des expulsions de campements, l'une de ses principales revendications. Il n'en dira pas plus, mais il confesse déjà avoir "une autre cartouche". (Belga)
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