"Ca fait trois élections que j'ai pas voté. Mais dimanche, j'irai voter pour lui". A Fameck (Moselle), où il a enregistré l'un de ses meilleurs scores, le candidat de gauche aux régionales dans l'Est Jean-Pierre Masseret en séduit beaucoup, parce qu'"il en a".
Dans les rues de cette ville de 12.400 habitants de la vallée de la Fensch, à un jet de pierre d'Hayange, dirigée depuis 2014 par le Front national, le maintien de la liste de gauche au second tour des régionales contre l'avis des dirigeants du PS est plutôt bien accueilli.
"Je ne le connaissais pas, je n'ai jamais voté pour lui. Mais il a raison, on ne se défile pas. Au moins, il en a... Et c'est pas de sa faute si on en est là", explique Christian, 61 ans, croisé dans l'épicerie du centre-ville.
- Psychodrame -
Au premier tour des régionales en Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes, Fameck se distingue en rose: avec 37,54% des voix, M. Masseret est arrivé en tête.
Sur l'ensemble de la nouvelle grande région, il n'a réuni que 16,11% - le plus mauvais score national pour les socialistes, quelques 20 points derrière le candidat arrivé en tête, le frontiste Florian Philippot.
Il a tout de suite refusé d'emboîter le pas à ses homologues du Nord et de la région Paca et de céder aux "diktats" des instances nationales qui exigeaient son retrait.
Après 48 heures d'un psychodrame socialiste sous les yeux des médias, et malgré 91 colistiers souhaitant se retirer, la liste est maintenue. Il fallait 95 démissionnaires et seuls 71 l'ont été dans les délais.
Le PS a fustigé l'obstination de M. Masseret et envisage de l'exclure, l'accusant de laisser la voie à une victoire du FN dimanche soir.
Mais dans les rues de Fameck, ils sont nombreux à croire qu'il est encore possible de renverser la dynamique.
"Plein de gens n'ont pas voté, et comme si le FN passe, ça risque d'être le bordel, il y a de grandes chances qu'ils votent dimanche, ça peut créer un sursaut" pour les socialistes, espère Clément, 20 ans.
Dans le Nord "ils auraient du rester aussi", lance le jeune homme, qui ira voter Masseret dimanche.
"C'est bien de prendre le risque, les gens vont aller voter maintenant", abonde Saïd, un vendeur des quatre saisons.
Jean, en haut de jogging et cigarette au bec, estime aussi qu'il "ne fallait pas se retirer. Mais ça ne me convainc pas d'aller voter dimanche".
Voix discordante, Josiane, qui vivait à Hayange quand Jean-Pierre Masseret, 71 ans, en était maire, n'aime guère le personnage et redoute que le FN remporte la région.
"C'est pas bien, il aurait dû se retirer quand ils lui ont demandé": pour elle, dimanche ce sera Philippe Richert, le candidat de la droite pour lequel plusieurs ténors de gauche ont d'ores et déjà appelé à voter.
- "On est dans l'urgence" -
A l'hôtel de ville de Fameck, le maire PS Michel Liebgott s'est prononcé clairement pour le retrait de la liste.
"Je vote Richert, mais je ne demande pas aux Fameckois de voter pour lui", explique-t-il.
En tant que président de la communauté d'agglomération de la vallée de la Fensch, M. Liebgott travaille parfois avec Fabien Engelmann, le maire d'Hayange. Il a l'expérience de cette sorte de cohabitation.
Selon lui "c'est se mettre en danger de leur donner des terres d'expérimentation. Ils sont +drivés+ depuis Paris, ils ont des hauts-fonctionnaires prêts à travailler avec eux. A court terme, ils peuvent plaire".
"Ils ne mèneront pas une politique qui va changer la vie des gens, mais qui les rassurera sur l'idée qu'ils se font de la société française", ajoute le maire, inquiet des délais très courts entre dimanche et la présidentielle de 2017.
"On est dans l'urgence, pas dans la stratégie, souligne l'édile. Et on est en démocratie: le FN peut gagner, les régionales, et aussi les présidentielles. Alors qu'est-ce qu'on fait ?".
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