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A Notre-Dame, l'aumônier des pompiers de Paris, héros malgré lui

A Notre-Dame, l'aumônier des pompiers de Paris, héros malgré lui
L'aumônier des pompiers de Paris Jean-Marc Fournier, à Paris le 17 avril 2019Martin BUREAU
 
 

Quand on lui demande s'il est un héros, Jean-Marc Fournier hausse les épaules. Présenté par la presse internationale comme le sauveur de la plus importante relique de Notre-Dame, l'aumônier des sapeurs-pompiers de Paris revendique un simple rôle de "conseiller technique".

Les cendres de la cathédrale étaient encore fumantes lorsque des médias irlandais, néerlandais ou argentins l'ont catapulté au rang de "pompier, prêtre et héros", en lui attribuant le sauvetage de la Sainte Couronne, posée, selon la croyance des catholiques, sur la tête de Jésus peu avant sa crucifixion.

"La couronne était déjà sortie quand je suis arrivé", corrige tranquillement le prêtre catholique de 53 ans. Le sauvetage est le fruit d'une "équipe", qui a "divisé ses efforts", fait-il valoir.

Lunettes rondes comme son visage, l'air bonhomme, l'homme de foi raconte l'intervention comme il semble appréhender la vie: avec simplicité et spiritualité, entre deux inhalations de tabac à priser.

Lorsqu'il entre dans Notre-Dame avec une petite équipe de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, détachée pour sauver certaines reliques, la flèche de la cathédrale s'est effondrée à cause du feu qui a dévoré la charpente.

"Ce n'est pas naturel de rentrer dans un édifice en flammes et qui menace de s'effondrer", concède-t-il. Mais ne lui parlez pas de risquer sa vie: les déplacements sont "calculés, mesurés et le produit d'un entraînement".

Ces dernières années, les épreuves ont été nombreuses pour les pompiers et leur aumônier : attentats du 13-Novembre, à Charlie Hebdo, ou à l'Hyper Cacher, le prêtre a vécu au plus près tous ces traumatismes. A chaque fois, il tente d'être "le premier maillon de la cellule psychologique, pour éviter que ne s'installent des blessures mentales".

- "Vision de l'enfer" -

Dans Notre-Dame brûlante et éventrée, pas de fumée mais "une vision de ce que peut être l'enfer". Les hommes observent "des cascades de feu tomber des ouvertures".

Lui espère surtout sauver deux "reliques majeures", la Sainte Couronne et "le Saint-Sacrement": les hosties consacrées, réunies dans un ciboire (un vase sacré, ndlr), que les croyants considèrent comme le corps du Christ. Pour cela, l'équipe se scinde en deux.

Pendant que les pompiers tentent de faire sauter le reliquaire, l'aumônier et un lieutenant-colonel se mettent en quête du code nécessaire pour ouvrir le coffre qui contient la fameuse couronne d'épines. Ils interrogent les personnels de la cathédrale, en vain.

A leur retour, les militaires, aidés par un intendant détenteur des codes, ont déjà réussi à ouvrir le coffre. La Sainte Couronne a été exfiltrée, "sous protection policière".

Soulagé, le catholique se consacre à "notre seigneur Jésus-Christ": même figurativement sous forme d'hosties, pas question que le fils de Dieu "disparaisse dans un incendie", plaisante-t-il.

Ciboire en main, le prêtre s'autorise une bénédiction et invite Jésus "à nous aider à préserver sa maison, afin qu'il ne se retrouve pas sans toit sur la tête".

A-t-il été entendu? Ce croyant en est persuadé, "puisque le feu qui avait pris dans le beffroi de la tour nord s'est arrêté". Dans le cas contraire, la cathédrale entière se serait effondrée.

Le père Fournier a ensuite participé à une chaîne humaine pour évacuer d'autres œuvres de la cathédrale. Une tâche qui, bien plus que le brasier, lui a valu "une petite sueur", confesse-t-il. Dans un geste maladroit, il a "percé une toile inestimable".

Avec ce rôle de "conseiller technique", le religieux est sorti de son office habituel. Sur une opération, sa priorité reste les âmes, rappelle-t-il: celles des soldats du feu comme des victimes, croyantes ou non.

Depuis son arrivée chez les pompiers de Paris en 2011, celui que les soldats surnomment "Padre" s'est imposé comme "un confident, un ami", raconte le porte-parole de la Brigade, le lieutenant-colonel Gabriel Plus.

Ces derniers mois, l'aumônier a également dû "accompagner six camarades", morts en intervention, dans leur dernière demeure.

Lundi, il a terminé "l'incendie du siècle" l'âme en paix: le feu, qui a mobilisé 600 pompiers, n'a fait aucune victime.


 

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