Qui est Nordahl Lelandais? Telle est l'épineuse question à laquelle la Cour d'assises de l'Isère va tenter de répondre au cours de ce procès. Celui que ses amis ont l'habitude de surnommer "Nono" est jugé à partir de ce lundi 31 janvier pour le meurtre de la fillette qu'il dit avoir tuée "involontairement" et pour deux affaires d'agression sexuelles sur mineures révélées par l'examen de ses téléphones portables pendant l'enquête.
Nordahl Lelandais reste un personnage énigmatique, dont la cour d'assises de l'Isère tentera de percer le mystère. Le profil de cet ancien militaire aujourd’hui âgé de 38 ans a fait couler beaucoup d'encre, depuis la disparition de la petite Maëlys, 8 ans, une nuit d'août 2017 lors d'une soirée de mariage.
Nordahl Lelandais a 38 ans. À l'âge de 7 ans, il s'installe avec sa famille en Savoie. Pendant plusieurs années, il y mène une enfance paisible et une adolescence sans difficulté particulière. Au sein de la famille, les relations sont bonnes.
Quand sonne l'heure de son orientation professionnelle, il tente un CAP en mécanique automobile. Il n'obtiendra finalement aucun diplôme. En 2001, il s'engage dans l'armée. Il intègre un bataillon cynophile. Deux ans plus tard, il obtient le certificat technique d'aide-dresseur. Ses supérieurs évoquent cependant des problèmes de discipline. Nordahl a du mal avec l'autorité et est accusé de perturber la cohésion de l'unité. En 2005, il est réformé après avoir reçu une fléchette dans l'œil.
Suite à ce nouvel échec, retour à la maison familiale près de Chambéry. S'ensuivent alors des petits boulots sans jamais vraiment trouver celui qui le satisfait. Vendeur, manutentionnaire, ambulancier... En 2010, il lance une activité de dressage canin. Sans succès.
Il ne faut pas le chauffer
Ses proches évoquent un garçon serviable, bien que parfois faignant et pas très travailleur. Son grand-frère parle d'un homme changé depuis qu'il a fait l'armée. Il le décrit comme plus apaisé. Pour d'autres, au contraire, ce passage à l'armée serait responsable d'un comportement impulsif. "Il faut pas l'emmerder. Il a été soldat. Cela lui a mis un peu la tête à l'envers. Alors il ne faut pas le chauffer", confie l'un de ses amis.
Dans la vie, Nordahl Lelandais se montre plutôt perdu, à la recherche de sensations fortes. Surtout pendant la période fin 2016-début 2017 durant laquelle il semble partir à la dérive. "Je vagabonde" puis "j'envoie tout valdinguer", avait-il déclaré lors de son premier procès qui s'était tenu en mai dernier près de Chambéry. Le trentenaire consomme de la cocaïne. Chaque fois, un peu plus.
Il enchaîne parallèlement, et à un rythme soutenu, relations amoureuses et rencontres d’un soir, avec des femmes mais aussi, parfois, des hommes. Il utilise deux lignes téléphoniques: l'une pour ses proches et sa famille, l'autre pour ses relations parfois sans lendemain. Nordahl Lelandais fréquente des sites de rencontre sur lesquels il lui arrive de mentir sur sa véritable identité.
En 2017, il agresse sexuellement des mineures de son entourage: il reconnaît des attouchements sur deux petites-cousines de 5 et 6 ans mais dément les accusations d'une autre cousine de 14 ans. L'analyse de ses téléphones portables et de son ordinateur révèle, selon les enquêteurs, qu'il consultait des sites pédopornographiques.
Tel un caméléon
Par ses ex-petites amies, il est dépeint comme un homme à la double personnalité. En couple, il sait se montrer tendre et attentionné. Mais également manipulateur et menteur. Lors des phases de rupture, l'homme se montre menaçant. "C'est de la traque, c'est comme s'il voulait créer un atmosphère dans lequel il rodait autour de moi. Il attendait que sa proie soit seule. Il est toujours présent dans mon environnement. Cela ne s'arrête jamais. Il est tordu", racontait l'une d'entre elles à nos confrères de RTL France.
Les psychiatres confirment cette tendance à la mythomanie avancée par ses anciennes compagnes. Tel un caméléon, Nordahl semble conter sa vie de façons différentes selon ses interlocuteurs. Lors d'un interrogatoire, l'ancien militaire avait affirmé entendre des voix. Mais pour les experts, aucun signe de schizophrénie.
Le père de la petite Maëlys, Joachim de Araujo, a récemment dénoncé cette attitude. "Il essaie de se faire passer pour quelqu'un de fou comme ça c'est une manière de dire 'foutez-moi en cellule psychiatrique, j'aurai un séjour à faire tranquillement'. Pour moi c'est ça qu'il envisage de faire. C'est quelqu'un de très pervers et manipulateur", s'était-il exclamé au micro de RTL France.
Pour les psychologues qui l'ont examiné, les relations de Lelandais s'inscrivent dans un mode fusionnel et/ou passionnel, ceci résultant d'une forte dépendance affective. Les experts concluent à une personnalité de type pervers et estiment sa dangerosité criminalistique comme importante. Ils décrivent quelqu'un d'asocial, présentant des traits de personnalité "borderline" et "narcissique".
Réponse à tout
Durant le drame, comme tout au long de l'enquête, Nordahl semble avoir tout mis en œuvre pour rester maître des événements.
Pendant les investigations, il dissimule régulièrement la vérité. Les enquêteurs constatent qu'il parvient, assez naturellement, à adapter ses déclarations en fonction de l'avancée de l'enquête. "On pourrait penser que vous adaptez vos réponses aux questions...", lâche d'ailleurs l'une des juges d'instruction lors d'un énième interrogatoire. "Non, je n'adapte pas, j'essaie de me rappeler des souvenirs de cette soirée au maximum", rétorque-t-il, sans jamais vaciller.
Ce n'est finalement que six mois après sa mise en examen qu'il reconnaît avoir tué la petite Maëlys et indique aux enquêteurs l'endroit où il a caché le corps. Ceci est permis après la découverte d'une preuve accablante: une trace de sang de l'enfant retrouvée dans le coffre de la voiture de l'ex-caporal. Dos au mur, il finit par avouer.
Imperturbable, il semble serein, peu bavard et agissant avec beaucoup de sang froid. Et c'est justement cette parfaite maîtrise qui va intriguer les enquêteurs. Qui est réellement Nordahl Lelandais? Qui est cet homme qui a réponse à tout? À ce jour, aucun élément n'a permis d'étayer les multiples spéculations sur son possible parcours de "tueur en série". Une cellule spéciale a épluché pendant trois ans plus de 900 dossiers non élucidés, pour tenter de trouver un lien. Sans résultat.
Son procès débute le 31 janvier, résumait dimanche soir notre envoyée spéciale, Dominique Demoulin :
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