Les enquêteurs en charge des investigations sur l'attaque de la préfecture de Paris la semaine dernière ont fait une découverte inquiétant au domicile de Mickaël Harpon, l'auteur de la tuerie. Selon Le Parisien, les enquêteurs ont mis la main sur une clé USB contenant des vidéos de propagandes du groupe terroriste état islamique. Toujours sur la clé USB, on retrouve les coordonnées de nombreux collègues de Mickaël Harpon. Pour rappel, l'auteur travaillait au sein de la préfecture de police.
La difficile lutte de la police contre la radicalisation islamiste en son sein
La tuerie perpétrée au cœur de la préfecture de police de Paris par l'un de ses propres agents illustre les limites de la capacité des services policiers à éradiquer toute radicalisation islamiste en interne. Comme dans les services publics en général, le phénomène ne touche les forces de l'ordre que de "façon marginale", écrivaient en juin les députés français Eric Diard et Eric Poulliat dans un rapport sur le sujet. À l'époque, seule une trentaine d'agents faisaient l'objet d'un suivi dans la police et la gendarmerie, sur un total de 130.000 gendarmes et 150.000 policiers.
Parmi eux ne figurait pas Mickaël Harpon, qui a poignardé à mort quatre fonctionnaires jeudi dernier et dont les premiers éléments d'enquête attestent de sa proximité avec l'islam radical.
Depuis 2017, l'arsenal législatif contre la radicalisation s'est renforcé dans la police. Le service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) vérifie les recrutements en recroisant sept fichiers de police et de renseignement. La loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt) a elle donné la possibilité d'enquêter sur des personnes déjà en poste.
Le cas de Mickaël Harpon témoigne cependant de plusieurs angles morts.
Sa radicalisation est survenue après son embauche à la PP en 2003 et les "signaux faibles", comme sa justification en juillet 2015 de l'attentat de Charlie Hebdo ou son changement de comportement avec les femmes n'ont fait l'objet que d'une discussion informelle, sans signalement écrit. "Un dysfonctionnement d'Etat", a dénoncé le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner.
"On aurait au moins dû le mettre sous surveillance, et lui retirer son habilitation aux services de renseignement", estime auprès de l'AFP un ancien du GIGN sous le couvert de l'anonymat.
"Il n'y a pas toujours de signalement, car il y a parfois la peur d'être accusé de discrimination", explique David Le Bars, secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN-Unsa), qui réclame davantage de contrôles. Pour lui, "l'agent doit être contrôlé à n'importe quel moment pour éviter l'entrisme et se dire que rien n'est jamais acquis".
Difficiles révocations
Mais Floran Vadillo, président du think tank L'Hétairie et spécialiste des questions de renseignement, juge que cela ne permettra pas d'éviter de soudains "basculements individuels" comme celui de Mickaël Harpon, qui n'avait montré aucun "signe de repli" depuis ses propos sur Charlie Hebdo.
"Sauf à aller dans un délire de collecte d'information et d'atteinte démesurée à la vie privée des individus, et on n'aurait même pas les capacités pour effectuer ce suivi-là", dit-il.
Même quand des "signaux faibles" sont détectés, il est parfois difficile d'obtenir une sanction ou une mise à l'écart.
Selon le ministère de l'Intérieur, une vingtaine de personnes ont été mises à l'écart dans la police depuis 2015, dont six ont été révoquées."Quand tu détectes une radicalisation, tu ne peux pas faire grand chose, tu montes des procédures administratives où tu ne seras pas toujours suivi pour, au mieux, refiler la patate chaude à un autre service", résume un policier.
"La radicalisation elle-même ne peut être un motif de révocation. Il faut un élément légal comme un manquement au devoir de neutralité", souligne Jean-Charles Brisard, président du Centre d'analyse du terrorisme.
Pour y remédier, Fabien Vanhemelryck, secrétaire général du syndicat Alliance, réclame de nouveaux textes pour mieux "caractériser" la radicalisation et "pouvoir mettre à l'écart et virer les radicalisés le plus rapidement possible".
Mais "on ne peut pas prendre un signalement pour argent comptant avec le risque par exemple de règlement de compte ou de dénonciation malveillante entre agents", prévient une source au sein du ministère de l'Intérieur.
La justice peut par ailleurs s'opposer à une révocation si elle la juge insuffisamment justifiée. Le tribunal administratif a ainsi suspendu l'une des six révocations récentes dans la police.
Lorsqu'un fonctionnaire soupçonné conteste sa révocation, le tribunal n'a en général pas accès aux informations accréditant sa culpabilité, issues de "notes blanches" que les services de renseignements rechignent à partager pour ne pas identifier leurs informateurs notamment, regrettait MM. Poulliat et Diard dans leur rapport. Ils y avançaient l'idée d'autoriser les services à ne donner leurs informations qu'au juge, et pas aux autres parties.
Vos commentaires