Le coup d'envoi d'une audience "historique" et un principal accusé qui se fait déjà remarquer : Le procès des attentats du 13 novembre 2015 s'est ouvert dans une ambiance solennelle mercredi à la mi-journée à Paris, six ans après une nuit de terreur qui a fait 130 morts, des centaines de blessés et a traumatisé la France.
Seul membre encore en vie des commandos derrière ces attaques, Salah Abdeslam a paraphrasé la Chahada, profession de foi musulmane, lors de sa première prise de parole devant la cour d'assises spéciale qui doit le juger jusqu'à la fin du mois de mai.
Alors que le président Jean-Louis Périès lui demandait, comme c'est l'usage, de se lever et de décliner son identité, Salah Abdeslam a répondu :
"Tout d'abord, je tiens à témoigner qu'il n'y a pas de divinité à part Allah et que Mohamed est son messager".
"On verra ça après", a rétorqué le président sans se démonter avant de lui demander sa profession.
A nouveau, Salah Abdeslam, t-shirt noir, cheveux sombres mi-longs coiffés en arrière et barbe noire sous le masque - noir aussi - qu'il retire pour parler, s'approche du micro : "J'ai délaissé toute profession pour devenir un combattant de l'Etat islamique".
"J'avais +intérimaire+ comme profession", relève le président.
Il lui demande ensuite l'identité de ses parents. "Le nom de mon père et ma mère n'ont rien à voir dans cette histoire", répond Salah Abdeslam, Franco-marocain de 31 ans.
Il était entré dans le box peu avant l'ouverture de l'audience et avait discuté quelques instants avec ses avocats, Mes Olivia Ronen et Martin Vettes avant de s'asseoir.
- "Une provocation" -
"C'est une provocation, on s'y attendait et en réalité on n'en attend absolument rien", a commenté en marge de l'audience Dominique Kielemoes, dont le fils a été tué dans la fusillade du bar La Belle Equipe.
Dix autres accusés se sont aussi installés sur la première rangée des bancs du box, sous l'escorte de nombreux gendarmes. Trois autres accusés, qui comparaissent libres, sont eux assis hors du box.
Contrairement à Salah Abdeslam, tous se sont contenté de décliner leur identité et de répondre aux questions sans faire de commentaires.
La cour avait fait son entrée dans la salle d'audience construite pour l'occasion dans un silence quasi religieux.
Aux alentours et à l'intérieur de la grande salle de 47 mètres de long et 550 places, une grande tension était palpable en cette première journée d'audience, consacrée à l'appel des parties civiles. Cet appel continuera jeudi, avant la lecture du rapport vendredi. Les premiers témoins ne sont attendus à la barre que lundi.
Les victimes et proches sont peu présents dans la salle : seule une centaine a pris place au fond, loin derrière une forêt de robes d'avocats des parties civiles.
Un avocat prévient la cour qu'ils comptent organiser un "roulement" dans la salle. "Il n'est pas question que cette salle reste remplie uniquement de robes noires, nos clients doivent pouvoir être présents", déclare-t-il.
Pendant neuf mois - la plus grande audience criminelle jamais organisée en France -, la cour va se replonger dans ce titanesque dossier. Il est inédit par son ampleur - 542 tomes -, par son nombre de parties civiles - au moins 1.800 -, et par sa charge émotionnelle.
Les témoignages de rescapés et proches des victimes débuteront le 28 septembre, pour cinq semaines.
"On sait" qu'à cette occasion, "c'est une vague d'émotion qui déferle, les faits remontent à la surface", disait avant l'audience Philippe Duperron, dont le fils de 30 ans a été mortellement blessé au Bataclan, et qui s'exprimera comme président de l'association de victimes 13onze15.
- "Intensité dramatique" -
De façon inhabituelle, le président de la cour d'assises spéciale - composée uniquement de magistrats professionnels - a souhaité tenir un propos liminaire, "en toute humilité".
"Nous commençons ce jour un procès qualifié d'historique, hors norme", dit à la salle Jean-Louis Périès. Mais, prévient-il, "ce qui importe c'est aussi justement le respect de la norme, le respect des droits de chacun, à commencer par les droits de la défense".
"Notre cour d'assises a pour finalité d'examiner les charges pesant à l'encontre de chacun et d'en tirer toutes les conséquences au plan pénal après avoir écouté chacun", a-t-il rappelé. "Nous devons tous garder à l'esprit cette finalité afin de conserver ce cap".
Le vendredi 13 novembre 2015, la nuit de terreur avait débuté à 21H16: trois kamikazes se font exploser aux portes du Stade de France, pendant une rencontre amicale de football entre la France et l'Allemagne.
Au cœur de Paris, deux commandos de trois hommes mitraillent à l'arme de guerre des terrasses de cafés et de restaurants et tirent sur la foule d'un concert au Bataclan, où l'assaut sera donné peu après minuit.
"Ce procès promet d'être chargé en émotions, la justice se devra toutefois de les tenir à distance si elle ne veut pas perdre de vue les principes qui fondent notre Etat de droit", mettaient aussi en garde avant l'audience les avocats de Salah Abdeslam.
Dans la matinée, sous l'œil des caméras, un convoi ultrasécurisé avait quitté la prison de Fleury-Mérogis, où Salah Abdeslam est depuis plus de cinq ans incarcéré à l'isolement total.
La cour d'assises spéciale juge au total 20 accusés, soupçonnés d'être impliqués à divers degrés dans la préparation des attaques.
Six accusés sont jugés par défaut, dont le donneur d'ordres et vétéran du jihad Oussama Atar, et les "voix" françaises de la revendication de l'EI, les frères Fabien et Jean-Michel Clain, tous trois présumés morts en Syrie.
Au bord de la Seine, les abords du vieux palais de justice étaient bloqués depuis l'aube par un large périmètre de sécurité. Près d'un millier de membres des forces de l'ordre sont mobilisés pour la sécurité du procès, dont 630 aux abords du palais et à l'intérieur, selon l'Intérieur.
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