La police belge a-t-elle négligé en juillet 2014 des informations capitales concernant les frères Abdeslam qui, si elles avaient été mieux exploitées, auraient permis d'éviter les attentats de Paris ? La question agite les médias belges, mais les autorités attendent le verdict d'une enquête de la "police des polices" pour trancher.
"Si on devait constater qu'il y a eu des manquements de la part de la police, je serai votre partenaire pour rectifier cela", a lancé jeudi le ministre belge de l'Intérieur, Jan Jambon, interrogé en séance plénière du Parlement.
Le ministre a expliqué attendre les conclusions du "Comité P", l'instance indépendante de contrôle de la police. Celui-ci présentera lundi 7 mars un rapport intermédiaire sur les attentats du 13 novembre à un petit groupe de députés, qui se réuniront à huis clos.
"J'ai pu le consulter hier et, dans ce rapport, on ne dit rien" des révélations égrainées par différents quotidiens, a ajouté M. Jambon. "Je pars de l'idée que le Comité P va également étudier par la suite ces informations, donc attendons ses rapports", a-t-il plaidé.
La "police des polices" enquête sur une information de juillet 2014 concernant une possible radicalisation des frères Salah et Brahim Abdeslam, deux des auteurs des attentats de Paris, rapportait jeudi la presse belge.
Dans la nuit du 10 au 11 juillet 2014, seize mois avant les attaques, en partie préparées en Belgique, qui ont fait 130 morts, une agente de la police judiciaire avait reçu un appel d'un informateur "proche de la famille Abdeslam (du quartier bruxellois) de Molenbeek", selon les quotidiens La Dernière Heure ("DH") et Het Laatste Nieuws.
Cet informateur expliquait que les frères Abdeslam étaient "complètement radicalisés" et projetaient de se rendre en Syrie, qu'ils étaient "sous l'influence" du jihadiste de Molenbeek Abdelhamid Abaaoud (tué lors de l'assaut policier de Saint-Denis) et qu'ils avaient "des plans pour une attaque", selon la même source.
La policière, alors en "congé maladie", affirme avoir transmis le soir même l'information à ses collègues de la section antiterroriste de la police judiciaire (DR3), précisent les journaux. Elle a été entendue longuement mercredi par le Comité P, affirme le Laatste Nieuws.
Au lendemain des attentats du 13 novembre, lorsqu'il apparaît que Brahim Abdeslam s'est fait exploser boulevard Voltaire à Paris et que son frère Salah a réussi à prendre la fuite vers Bruxelles, la même policière enverra un courriel à ses supérieurs pour s'enquérir de la suite qui avait été donnée à ses informations, selon la DH et Het Laatste Nieuws.
- 'Contrevérités' -
Interrogé mardi sur des articles de presse allant dans le même sens, le parquet fédéral avait minimisé l'importance des informations en sa possession à l'époque, qualifiant "d'inexactes" les conclusions suggérant qu'"on aurait pu éviter les attentats de Paris".
"L'information ne faisait aucune référence à un quelconque attentat ou projet d'attentat et ne mentionnait pas le nom +Abdeslam+. Seule une vague mention non concrète faisait état de deux frères, dont l'un était probablement en train de se radicaliser", avait indiqué le parquet.
Le parquet soulignait que la "première mention d'un départ possible des frères Abdeslam date de janvier 2015" et qu'elle avait fait l'objet de vérifications à l'issue desquelles "aucune infraction liée au terrorisme n'avait pu être mise en évidence". "La réaction à cette information a été adéquate", a réaffirmé jeudi le parquet.
Le directeur général de la police judiciaire, Claude Fontaine, est monté au créneau pour défendre ses troupes "contre certains éléments mensongers qui se basent sur des +informations+ de source douteuse" publiée par la presse.
Soulignant "l'engagement particulièrement soutenu" des enquêteurs pour éviter des attentats, le patron de la PJ a expliqué dans un rare communiqué de presse que le secret professionnel l'empêchait de "révéler des détails sur l'enquête pour réfuter de telles contrevérités". "Nous appliquerons les améliorations éventuellement proposées (par le Comité P) en toute loyauté", a-t-il toutefois promis.
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