Le référendum britannique sur le Brexit démontre qu'"il faut crever l'abcès" d'une Europe ressentie comme "punitive" par ses citoyens, a estimé le Premier ministre Manuel Valls mardi, détaillant comment "passer à une nouvelle grande étape".
Dans un discours de près d'une demi-heure devant l'Assemblée nationale, le chef du gouvernement a estimé que le choix des Britanniques jeudi de sortir de l'Union européenne montrait "le malaise des peuples" qui, selon lui, "doutent de l'Europe". "Ils ont le sentiment qu'elle impose ses choix et joue systématiquement contre leurs intérêts", a-t-il estimé.
"L'Europe se fera avec les peuples. Sinon, elle se disloquera", a encore analysé M. Valls refusant que le projet européen "chavire et sombre, entraîné par le poids grandissant des populismes". "Je mets en garde ceux qui croient qu'on renforcera notre souveraineté en tirant un trait sur l'Europe", a-t-il d'ailleurs lancé aux souverainistes, à commencer par le Front national.
Evoquant un nécessaire "électrochoc", il a demandé à son homologue britannique David Cameron de sortir de "l'entre-deux, de l'ambiguïté" et d'activer "le plus tôt possible la clause de retrait de l'Union européenne". "Ce n'est pas le parti conservateur britannique qui doit imposer son agenda", a-t-il lancé sous les applaudissements des députés.
Quant aux moyens de "passer à une nouvelle grande étape" européenne, il a rappelé le déficit démocratique dont elle a jusqu'ici souffert.
"Nous avons cru pouvoir agrandir, élargir, à marche forcée, que les +non+ seraient oubliés grâce à plus d'Europe, que les référendums pouvaient être contournés, que le rejet croissant de l'Europe se soignait par de la pédagogie", a détaillé celui qui avait initialement appelé à voter +non+ à la Constitution européenne en 2005.
"Nous avons évité les vrais débats et nous avons laissé un boulevard aux populismes", a-t-il lancé.
- Ne pas jouer aux "apprentis sorciers" -
A ceux qui, à droite, envisagent ou réclament un référendum sur l'Europe, il a rappelé le risque de "jouer aux apprentis sorciers". "Un référendum ne peut pas être le moyen de se débarrasser d'un problème", a-t-il tranché.
Le Premier ministre a plaidé pour une "initiative" de la France "mettant les enjeux de sécurité au coeur de l'Europe". Il a ainsi appelé à "vraiment maîtriser nos frontières" mais "pas en sortant de Schengen" et à organiser une défense commune "digne de ce nom".
A propos de l'économie, il a estimé que l'Europe ne pouvait pas être "le cheval de Troie de la mondialisation", répétant son rejet du traité de libre-échange transatlantique avec les Etats-Unis tel qu'il est prévu aujourd'hui et prônant à nouveau une "harmonisation fiscale et sociale" dans l'UE.
Il a enfin défendu une Europe "efficace" qui serait à l'offensive là où elle est "utile", et capable de s'effacer "quand les compétences doivent rester au niveau national, voire régional". Plaidant pour l'idée de Jacques Delors d'une Europe des Etats-nations, M. Valls a suggéré la possibilité d'une intégration à plusieurs vitesses. "S'il faut mener à quelques uns ce que les 27 ne sont pas prêts à faire, et bien faisons-le".
Il a donc défendu à nouveau la "gouvernance démocratique" de la seule zone euro, se prononçant contre une "Europe punitive, acquise aux thèses ultra-libérales et à l'austérité budgétaire", en référence à la règle prévoyant que les déficits publics ne peuvent excéder l'équivalent de 3% du PIB d'un pays, sous peine de sanctions.
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