Michel Barnier a promis mercredi d'examiner les propositions d'économie des sénateurs pour son budget grevé par une lourde dette, tandis que gauche et extrême droite dénonçaient "le grand flou" de ses intentions en la matière.
"Nous avons sans doute là (au Sénat) un gisement d'économies accessibles", a affirmé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale devant la chambre haute, à majorité de droite comme lui, dont il a salué la culture du "compromis".
Fin 2023, le Sénat avait remodelé le projet de loi de finances en intégralité, en dégageant, selon ses estimations, sept milliards d'euros d'économie, dans par exemple l'aide aux consommateurs d'électricité ou la fiscalité, avec une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et une taxe sur les rachats d'actions... autant de pistes évoquées la veille devant l'Assemblée nationale par le chef du gouvernement.
Mais pour le chef du groupe socialiste à l'Assemblée, Boris Vallaud, Michel Barnier a laissé "un sentiment très flou parce qu'en réalité, nous ne savons pas grand chose de sa politique".
"On a bien vu qu'il ne pouvait pas aller loin, tant il était contraint", a renchéri l'ancien président François Hollande pour qui le Premier ministre est "traversé par toutes les contradictions d'une majorité extrêmement réduite".
- "Ellipses" -
Durcissement de l'immigration pour satisfaire l'extrême droite, abandon de la réforme de l'assurance chômage pour la gauche ... Sa déclaration de politique générale était "habile" dans le sens où il a tendu la main à chaque parti, a reconnu le premier secrétaire du PS Olivier Faure, mais il était "plein d'ellipses et (cela) ne permettait pas de saisir ce qu'il ferait".
Pas de quoi, pour la gauche en tout cas, renoncer à déposer une motion de censure en fin de semaine. "Je censure parce que je suis dans l'opposition", a dit M. Faure "mais je suis prêt à avancer chaque fois que ça ira dans le bon sens".
M. Barnier a annoncé son intention de ramener le déficit à 5% du PIB en 2025 alors qu'il devrait atteindre, selon une source gouvernementale, 6,1% cette année.
Le projet de budget 2025, qui sera présenté le 10 octobre en Conseil des ministres, prévoit un effort de 60 milliards d'euros pour redresser les finances, dont fera partie un report du 1er janvier au 1er juillet de l'indexation des retraites, a indiqué la même source.
"On peut d'un côté dire que l'on veut renforcer le service public, mais si l'on ne dit pas les économies que l'on veut faire, il y a évidemment une grande difficulté à le croire", a souligné M. Vallaud.
Côté recettes, Michel Barnier a évoqué devant le Sénat comme la veille "une contribution ciblée, exceptionnelle, temporaire" des "très grandes entreprises" et des "plus gros contribuables". Mais refusé que l'on parle comme Gabriel Attal chef de file des députés macronistes de "choc fiscal" puisque ces mesures ne concerneront qu'un tiers de l'effort.
Ni la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon ni le ministre de l'Economie Antoine Armand n'ont voulu préciser qui seraient les Français concernés.
- "Surtaxer" -
Le président de la République Emmanuel Macron a estimé de son côté, en marge d'un déplacement à Berlin, que la taxation "exceptionnelle" des grandes entreprises devait être "limitée" et qu'il ne fallait pas couper dans les "dépenses sociales" ni "surtaxer car nous n'avons pas beaucoup de grandes marges de manoeuvres fiscales".
"On ne sait pas où ils veulent mettre le curseur. Si le curseur est à un niveau qui nous semble inacceptable, c'est la ligne rouge", a prévenu le vice-président du Rassemblement national, Sébastien Chenu, sans préciser non plus le seuil du RN.
"C'était le grand méchant flou. Michel Barnier a cherché à nous endormir, à zigzaguer entre les lignes rouges définies par les différentes groupes politiques, à gagner du temps aussi", a jugé le député.
Le RN ne votera pas la motion de censure de la gauche mais laisse planer la menace.
Impassible comme la veille, Michel Barnier a passé sans anicroche l'épreuve de ses premières questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, où le député calédonien Nicolas Metzdorf a dit sa "déception" après le report des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie.
Dans la matinée, la commission des Lois de l'Assemblée a massivement rejeté la proposition de destitution d'Emmanuel Macron déposée par La France insoumise, qui reproche au chef de l'Etat de n'avoir pas respecté le résultat des législatives.
"Le coup d'État de Macron n'a toujours pas le dernier mot", a assuré l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon sur X.
D'après un sondage Elabe publié mercredi, 51% des Français estiment que "les premiers pas et décisions" de Michel Barnier vont "dans la bonne direction", d'un niveau comparable à celui mesuré pour Gabriel Attal.
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