"Ce sont les seuls restaurants ouverts, on en profite": de nombreux Français ne résistent pas au plaisir de venir s'attabler le week-end à Monaco, une "bouffée d'air économique" pour les établissements de la Principauté tenus par un strict protocole sanitaire.
Marlène Tachi, 26 ans, arpente la rue Princesse Caroline où l'affluence pourrait presque faire croire à un dimanche normal à Monaco. Elle est venue fêter son anniversaire entre copines et cherche un restaurant brésilien: "Au final, ça fait de la peine pour les restaurateurs" français, dit-elle, elle-même barmaid.
Au Huit et Demi, la terrasse se remplit en un clin d'oeil. Les mains sur la nappe devant son assiette immaculée, Christel Dubos, 55 ans, s'apprête à commander des gambas. Elle est invitée par "son chéri" et c'est un peu Noël avant l'heure: "Je suis super heureuse d'être là. Pour moi, c'est un beau cadeau de Noël, je suis super excitée, comme une enfant".
"La vie d'avant nous manquait, voir la vie autour de moi, les gens qui mangent (...) Monaco a une politique intelligente et lucide car il y a eu très peu de cas de Covid ici", estime cette fonctionnaire française.
Pour la patronne Maggy Athlani, 40 ans, gérante française du restaurant et passablement endettée depuis le premier confinement, le défilé des clients qui salivent devant la carte n'a pas de prix. "Il y a des gens qui voudraient qu'on ferme Monaco mais à partir du moment où l'on respecte le protocole, ça se passe hyper bien, et c'est une vraie bouffée d'air du point de vue économique", dit-elle.
Une famille arrive, des Niçois qui tiennent une entreprise de bâtiment et ne sont plus allés au restaurant depuis deux mois. "Alleluïa ! On a juste besoin de sortir", exulte Anaïs Brione, 28 ans.
Les enfants tenus par la main, des parents tentent leur chance à l'improviste au Bella Vita, une brasserie italienne à l'angle avec le port avec vue sur d'énormes yachts à l'amarre. Les manèges et la patinoire assurent la féérie de Noël. "Depuis hier, j'ai refusé 200 personnes", affirme le serveur.
Un couple de garagistes marseillais mange des nuggets sur le port. Ils ont pris la voiture le matin même: "Ça faisait longtemps, on apprécie (...) Ce serait bien que ce soit de partout pareil", avoue Vanessa Chianello, un sac rangé sous la table avec une précieuse paire de stilettos Louboutin qu'elle vient de s'acheter. "On a dit ‘on se casse de Marseille’, on prend la route pour venir ici, le seul endroit où manger tranquille, sortir".
Alors qu'à Cannes et Nice, la situation se complique pour les hôteliers et les restaurateurs fermés, les grands restaurants de Monaco affichent déjà presque complets pour la fin d'année.
"La France est un grand pays, avec des enjeux et des contraintes d'une autre nature", indique le conseiller ministre de l'Économie Jean Castellini, qui se défend de toute concurrence déloyale.
La Société des bains de mer (SBM), pilier historique de la fortune du Rocher avec le casino et les palaces, est en pleine restructuration et 2020 reste une année noire pour la Principauté, faute de Grand Prix de Formule 1, de Yacht Show et de congrès, tous annulés. Sur la période de juillet à novembre, les nuitées d'hôtels ont été divisées par deux.
Les bars n'ont pas le droit d'ouvrir. Un couvre-feu s'applique à partir de 20H00, avec une tolérance jusqu'à 22H00 pour les clients des restaurants.
"Monaco, c'est 2 km², c'est une autre gestion, une écoute différente (...) On a un temps limité, les tables sont plus espacées donc on a moins de clients, mais ils viennent tous en même temps", détaille Francis Poidevin, 66 ans, patron du Quai des Artistes.
Bientôt 15H00, tout s'arrête, ses serveurs posent l'addition sur la table. Un couple français termine une impressionnante côte à l'os: "On vient de tout près", assure madame. Ils n'auront pas le temps de commander un dessert.
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