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Des bébés plutôt que des immigrés, la Hongrie veut booster sa natalité

Des bébés plutôt que des immigrés, la Hongrie veut booster sa natalité
Une femme se promène avec une poussette à Budapest le 15 février 2019ATTILA KISBENEDEK
 
 

Les uns saluent une politique familiale volontariste, les autres refusent de mettre au monde "des bébés pour Orban": la Hongrie veut stimuler la natalité à coup de cadeaux fiscaux associés à la défense de valeurs traditionnelles qui ne font pas l'unanimité.

Fer de lance de la lutte contre l'immigration en Europe, le Premier ministre hongrois Viktor Orban s'affiche aussi en champion du redressement démographique d'un pays menacé par le vieillissement.

"Nous voulons des enfants hongrois. Pour nous, accepter la migration revient à capituler", a-t-il lancé le 10 février dans son discours annuel à la nation, en annonçant un nouvelle batterie de mesures pour encourager les couples à faire des enfants.

Avec ce "plan d'action pour la protection de la famille", qui s'ajoute à de premières incitations instaurées en 2016, la Hongrie se targue d'être le pays européen qui dépense le plus pour la politique familiale.

Il y a urgence: la Hongrie, qui perd des habitants depuis 1981, pourrait voir sa population passer de 9,7 millions d'habitants actuellement à 6 millions en 2070, selon les projections nationales. Arc-bouté sur son refus de l'immigration, le pays souffre déjà d'une sévère pénurie de main d'oeuvre.

Après une première série d'aides aux jeunes couples pour l'acquisition d'un logement, les nouvelles mesures accélèrent la mouvement: les femmes de moins de 40 ans qui se marient pour la première fois pourront prétendre à un prêt subventionné de 10 millions de forints (32.000? euros) ; celles qui auront quatre enfants se verront définitivement exemptées d'impôts sur le revenu ; le gouvernement aidera les familles nombreuses à acheter un véhicule et promet 21.000 places de crèche.

- Fécondité en hausse -

"Avec dix millions de forints, mon compagnon et moi pouvons envisager d'acheter un appartement pour quitter le domicile de mes parents", se réjouit Nora Koszeghy, une enseignante de 24 ans, mère d'une fillette.

"Nous voulons un frère ou une soeur pour Juli. Maintenant ce sera peut-être deux et même trois, qui sait", ajoute la jeune femme, à l'instar d'une majorité de Hongrois qui disent plébisciter ces annonces.

Les premières mesures ont porté leurs fruits, assure le gouvernement : le nombre d'enfants par femme qui était de 1,25 en 2010 est désormais proche de 1,6, la moyenne européenne. Viktor Orban, père de 5 enfants, vise le seuil de 2,1, nécessaire au remplacement des générations. Entre 2010 et 2107, le nombre de mariages est passé de 35.000 à 52.000.

Cette hausse de la fécondité "est plutôt due à la sortie de crise économique", qui a frappé la Hongrie à partir de 2008, fait valoir un expert de l'Office hongrois des statistiques sous couvert d'anonymat.

"Il y a des problèmes plus importants, comme l'émigration de plus de 500.000 personnes depuis 2010 et à court terme la baisse du nombre de femmes en âge de procréer", ajoute-t-il.

L'offensive du gouvernement Orban profitera surtout aux classes moyennes et supérieures qui peuvent consommer et souscrire un crédit, relèvent des analystes, alors que les plus pauvres, et notamment l'importante communauté rom, seront laissés à l'écart.

Aux questions sur l'efficacité du dispositif s'ajoutent les réserves sur leur présupposé idéologique qui "reflète un point de vue profondément conservateur et traditionnel" où "le travail des femmes se fait au détriment de la maternité", estime Dorottya Szikra, sociologue à l'Académie hongroise des sciences.

- Et les pères ? -

Le fait que les mesures ciblent les mères, sans mentionner le rôle du père, semble enfermer les femmes dans un "programme de reproduction", soulignent les critiques.

Dans le cas du prêt de 32.000 euros, il est prévu d'annuler la totalité de la dette à la naissance du troisième enfant.

Depuis l'annonce du dispositif, les caricatures ont fleuri sur les réseaux sociaux hongrois, déclinant le thème de "La servante écarlate", série télévisée qui imagine un monde frappé par une crise des naissances où les femmes encore fertiles sont assignées à procréer.

"Je ne veux pas faire d'enfants pour Viktor Orban", s'émeut auprès de l'AFP Sarolta Szekely, une journaliste de 35 ans.

"La qualité de l'éducation et de la santé publique, le niveau de revenu sont des conditions plus importantes", poursuit la célibataire.

"Ce type de politique va nuire à l'autonomie pour laquelle les femmes ont lutté pendant des décennies", a critiqué sur Twitter la ministre suédoise des Affaires sociales Annika Strandhall, voyant dans ce plan "des relents d'années 1930".


 

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