Sur le rond-point de Méons à Saint-Etienne, les "gilets jaunes" "ne cautionnent pas mais comprennent les violences" vis-à-vis des policiers, des politiques ou des journalistes, et serrent les rangs face aux critiques.
Ici il y a une grande cabane avec canapé, table à manger, coin cuisine, du café chaud, une chanson de Renaud qui grésille sur un vieux poste, un poêle alimenté à la palette qui réchauffe autant qu'il étouffe. Et, bien sûr, un drapeau "Allez les Verts" de Saint-Etienne.
La semaine dernière, cette cabane avait pourtant été détruite. D'autres "gilets jaunes" ont tout incendié et auraient même aspergé de carburant deux autres "gilets". Pourquoi ? "Ils n'étaient plus sur la même ligne que nous".
Cet évènement aurait pu les monter les uns contre les autres, à l'image des dissensions qui apparaissent entre des figures du mouvement, comme Eric Drouet et Priscillia Ludosky. Mais non.
"On a tous mis notre vie entre parenthèses et on est super soudé. A nous tous, on est une force", juge d'une voix douce Pauline, responsable informatique et mère de trois enfants.
- "Les gens regardent trop la télé" -
Les violences, les dérapages: "on ne les cautionne pas, mais on les comprend", affirment-ils à l'unisson.
"Il ne faut pas dire qu'il y a des casseurs et des +gilets jaunes+. Il y a des casseurs qui sont des +gilets jaunes+. J'ai vu des +gilets jaunes+ qui, à cause des violences (policières, ndlr) et du manque de considération, se mettent à casser. Et je les comprends", assume Yoann, agent de sécurité privée de 25 ans.
Comprennent-ils l'irruption dans le ministère de Benjamin Grivaux le 5 janvier dernier ? "Macron dit +venez me chercher+ alors on y va", lance Mateo, en référence à une sortie du président de la République au sujet de l'affaire Benalla.
Et les agressions de journalistes, ils les comprennent ? "Ils racontent n'importe quoi", justifie Nicolas.
"Le jour de l'An, le journal local est venu. On leur a dit ok alors qu'ils s'étaient fait jeter de tous les ronds-points. Et ils ont écrit qu'ici on avait trouvé la famille qu'on avait toujours cherché. Or, on a juste dit, qu'ici, on était comme une famille", raconte-t-il.
Le quotidien en question a précisément écrit que ce rond-point était devenu "le foyer qu'ils recherchaient tous depuis longtemps".
Il y a pour eux un manque de nuances et d'"impartialité" dans la presse. Comme d'autres "gilets jaunes", ils épargnent Russia Today et Rémy Buisine de Brut, ainsi que "Mediapart" ajoute Mateo, "des pseudos médias complotistes" pour le reste de la presse, ironise-t-il.
"Je n'arrive pas à discuter avec ma grand-mère des +gilets jaunes+. Elle ne voit que les violences. Les gens regardent trop la télé", soupire Pauline.
- "Peur de l'après gilet jaune" -
"J'ai peur qu'à force de ne pas répondre à nos demandes, le pays parte dans le chaos. Mais ce n'est pas à nous de craquer, c'est à lui", assure Mateo.
Seulement, eux-mêmes s'interrogent sur les véritables solutions pour sortir de la crise. "Est-ce que finalement on s'attaque aux bonnes personnes ?", s'interroge Pauline.
Pour Mateo, qui ne va plus manifester le samedi, ils se sont trompés de cible: le "virus de la planète", ce sont les "ultra-capitalistes", c'est 1% de plus riches qui accaparent 80% de la richesse mondiale, explique-t-il, citant un rapport d'Oxfam.
Yoann, franc et posé, avance la question de l'immigration: "D'un côté il y a des migrants qui souffrent, mais d'un autre est-ce qu'on peut se permettre de garder cette immigration ?".
D'autres reviennent sur le Référendum d'initiative citoyenne (Ric). Certains ont des propositions plus radicales, voire "révolutionnaires". Autant d'éléments qui figureront peut-être dans les cahiers de doléances ouverts dans les mairies.
En attendant, "on ne peut plus reculer", estime Nicolas qui malgré le risque de dérapage veut rester mobilisé. Et puis on ne cache pas avoir un peu "peur de l'après-gilets jaunes", tant ce mouvement a pris une grande place dans leur vie.
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